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Citation de Cielvariable


La guitare avait l’air toute nue dans le métro. Peter la serra contre lui et les battements de son cœur résonnèrent contre le bois de la Telecaster. Les gens le regardaient de travers. Soupçons ? Convoitise ? Il faudrait d’urgence lui trouver une housse. Une gratte aussi bien roulée ne pouvait pas se balader comme ça, à poil. C’était de l’incitation à la débauche.

Lorsqu’il émergea du métro, Finsbury Park resplendissait sous le soleil comme si l’été décidément ne voulait pas disparaître. Peter pensa que c’était peut-être ça, que cet été 1976 durerait jusqu’à la fin du monde, avec son ciel en fer-blanc accroché au-dessus de Londres. Un été de plus en plus chaud, une canicule comme on n’en avait pas vu depuis 1940 selon les vieux et les journaux. La nuit, les rues grouillaient de monde. Les gens glandaient dehors, cramés, hargneux, pressés de vivre et de s’éclater. Les concerts se suivaient, le pub rock vivait ces dernières heures, une nouvelle musique était en train de naître. On disait « punk » ou « new wave ». On sentait qu’on était au bord de quelque chose et qu’il ne fallait rien louper. Enfin, on crachait sur les hippies et c’était peut-être ça le plus marrant.

L’été avait démarré en fanfare, le 4 juillet, au Dingwalls, avec un super concert des Ramones, quatre New-Yorkais complètement déjantés jouant à fond la caisse. Ensuite, il y avait eu un groupe londonien, les Damned. Puis le choc, au Lyceum, avec un nouveau groupe, les Sex Pistols. Leur chanteur, Johnny Rotten, beuglait comme un bébé abandonné en écrasant ses cigarettes sur sa main. Damian était devenu complètement fou ce soir-là. Il avait pogoté toute la nuit en hurlant à la mort. Il avait enfin trouvé son héros, un Irlandais fêlé comme lui, un prolo énervé qui n’avait peur de rien ni de personne…

Grâce à son job dans une épicerie pakistanaise, Peter avait des tarifs de gros sur les bières. Solo avait toujours de l’herbe jamaïcaine et Damian fournissait le speed, qu’il achetait pour rien dans la rue ou qu’il fabriquait avec des produits en vente libre. Ensuite, chargés jusqu’aux oreilles, ils écumaient les boîtes et les clubs. Ils s’étaient fait des biceps en titane à force de porter le fauteuil roulant de Solo dans le métro. Après les concerts, en attendant le premier métro, ils traînaient dans les clubs homos, les seuls endroits où l’on passait de la bonne musique et où personne ne venait les chercher à cause de leur dégaine.

Puis, fin août, une autre bombe musicale avait éclaté dans l’arène : un festival punk dans un vieux cinéma pourri, avec les Sex Pistols, les Clash et les Buzzcocks, un groupe de Manchester. Le public commençait à ressembler à quelque chose de plus consistant qu’une meute de jeunes délinquants. Avec Damian et Solo, ils étaient allés dans les coulisses, au flan. Personne ne leur avait barré la route.
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