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Critiques de Laurent Danchin (11)
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L'Art Brut : Actualités et enjeux critiques

"L'Art Brut est un apex, une vue algébrique de l'esprit, un pôle vers lequel on tend..."

(J. Dubuffet)



"Vincent... !", s'est fâchée un jour Mme Capt.

"Encore un mot sur l'Art Brut, et tu vas te coucher sans dîner ! Et si vraiment tu as besoin d'en parler, fais-le avec tes amis, mais épargne-moi tes spéculations !"

Et voilà comment a vu le jour ce livre : "L'Art Brut, Actualités et enjeux critiques", qui regroupe les observations de plusieurs spécialistes sur l'évolution de ce courant artistique.

Mais d'abord - l'Art Brut est-il vraiment un "courant artistique" ? Oui et non...



Le sujet m'intéresse, et avant de me lancer dans cette laborieuse lecture, je pensais en savoir l'essentiel. L'appellation nous vient de Jean Dubuffet, qui (en 1945) commence à s'intéresser à la production des autodidactes, des marginaux et des mentalement dérangés qui créent pour leur propre plaisir, souvent poussés par un certain "besoin". Création hors système officiel et académique, à partir du matériel récupéré ou peu coûteux.

Ce n'est pas de "l'art naïf" à l'inspiration folklorique, ni "l'art ethnique" qui est en quelque sorte l'art officiel de telle ou telle ethnie, mais une création spontanée, originale et absolument libre de toutes les contraintes imposées par le diktat de "l'art culturel".

Mais voilà..

Depuis 1945 l'Art Brut (qui existe depuis toujours et qui est jusque là passé inaperçu) a fait son bout de chemin, et le récent engouement qu'il provoque nécessite d'éclaircir et de justifier sa position dans le monde de l'art actuel, et notamment sur le marché (ne tournons pas autour du pot !)

L'introduction de V. Capt, exercice verbal de haute voltige, m'a fait, hélas, réévaluer mes connaissances on ne peut plus brutes sur le sujet, en me laissant seule avec Socrate et son "je sais que je ne sais rien".



L'esprit à l'état brut, j'ai donc abordé le premier chapitre, "Axiologie d'une artification", qui se pose la question essentielle : à quel moment une oeuvre "brute" devient-elle une oeuvre "d'art", exposable et vendable ? Est-ce vraiment de l'Art ? Oui et non...

Peut-on le sortir de son contexte "marginal", sans en altérer la nature ? Oui et non...

Un artiste "brut", désire t-il lui même être connu ? Oui et non...

L'Art Brut peut-il être confondu avec l'Art Contemporain ? Oui et non... etc., etc.

Voilà le problème actuel de l'Art Brut, qui, sorti des hôpitaux psychiatriques et des ateliers miteux des autodidactes est subitement devenu un "produit" difficilement qualifiable, car une fois officiellement présenté au public et soumis aux critères, il va perdre une partie de son essence et de sa "brutalité". On va créer de nouvelles appellations : "Outsider art", "Art singulier", pour le différencier des autres formes qui ne désignent, après tout, qu'une seule et même chose.



Le livre n'est pas inintéressant, mais il tergiverse beaucoup et les phrases sont souvent pleines d'un pompeux rien, car toutes ces questions sont loin d'avoir une réponse claire. L'Art Brut en train de s'officialiser est devenu un peu comme ce mythique serpent Ouroboros qui dévore sa propre queue.

Mais quelques articles restent intéressants (le cas de Gaston Chaissac et les portraits de quelques autres artistes, accompagnés d'illustrations sporadiques), et on peut comprendre la perplexité des galeristes et commissaires d'exposition face à cette production hors-normes.



D'ailleurs, ces expositions originales attirent toujours un nombreux public... Est-ce que cela veut dire que l'Art Brut actuel (y compris virtuel, désormais) est en train de s'"institutionnaliser" ? La réponse est encore oui et non; et même l'un des derniers chapitres, qui s'interroge s'il vaut mieux exposer ces oeuvres dans une salle entièrement noire ou entièrement blanche reste indécis.



Je remercie donc les éditions Antipodes de m'avoir adressé ce livre lors de la dernière masse critique, en me posant la dernière question : le livre m'a t-il vraiment apporté quelque chose de plus que l'addiction à l'aspirine et la tête remplie de questions ?

Oui et non. Donc 2,5/5.

Peut-être un conseil : si vous avez envie de créer, faites ! Même un autodidacte peut devenir un artiste honnête en pratiquant, mais pas un "artiste brut". Lui, il est né tel quel, avec son étrange génie. Mais peu importe, car vous serez toujours l'un ou l'autre, et c'est ça qui est bien !
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L'Art Brut : Actualités et enjeux critiques

Pour être claire dès le départ, il ne s'agit pas là d'un livre conçu pour faire découvrir l'Art Brut et présenter le concept ainsi que son histoire (oui, du coup, ça fait pas envie, dit comme ça). C'est précisé en avant-propos, on a là un ouvrage destiné à un public déjà averti, et si j'ai bien saisi, à un ouvrage qui cherche surtout à susciter des vocations, et s'adresse donc essentiellement à de futurs chercheurs. Par conséquent, si vous avez envie de lire quelque chose pour aller à la découverte de l'Art Brut, ce n'est pas le livre qu'il vous faut - il y a pour ça d'autres publications parfaitement adaptées à votre projet. Si, en revanche, vous n'êtes pas du tout chercheur, confirmé ou potentiel, mais que vous êtes amateur d'Art Brut, ou que vous vous intéressez à l'Art Brut sans être spécialiste de la question, vous pouvez y aller sans crainte. Je préfère mettre les choses au point, de peur que des lecteurs novices en Art Brut mais curieux (et c'est une bonne chose d'être curieux, contrairement à ce qu'on nous disait quand on était petits) ne s'engagent dans cette lecture et soient carrément rebutés par ce qu'ils y trouveront, car on y fait référence à des tas de choses et à des tas de gens que le lecteur est censé connaître ; il va de soi pour les auteurs que ce lecteur est déjà relativement coutumier de l'Art Brut. Songez donc au fait que le premier essai s'intitule "L'Art Brut : Axiologie d'une artification" et vous comprendrez peut-être mieux pourquoi je mets en garde le lecteur innocent et curieux qui s'aventurerait dans ce livre le sourire aux lèvres.





On a donc ici une publication de 2017, faisant suite à un colloque, composé de douze essais, plus une table ronde rapportée par écrit et un texte de Laurent Danchin, tout ça en à peu près 200 pages. Ce qui signifie que chaque essai comprend une douzaine de pages. Et douze pages, c'est court, surtout quand on a affaire à un sujet aussi brûlant que l'Art Brut, en vogue depuis quelques années au point que se développent hardiment les recherches mais aussi des galeries spécialisées et des musées, que les expositions se multiplient, ainsi que des festivals, biennales et autres trucs du genre, et qu'apparaissent de plus en plus d'artistes (on les appelle les "apparentés") se réclamant, sinon de l'Art Brut, du moins de l'art singulier, outsider, hors normes, etc. (les appellations, elles aussi, sont multiples, même si ce n'est pas une nouveauté ), tandis que, forcément, les prix des œuvres grimpent.





Le but de ce livre, c'est d'aborder des questions qui se posent actuellement dans le monde de l'Art Brut, et notamment celles de la "légitimité" de l'Art Brut, mais aussi de son utilité critique vis-à-vis de l'art. Je rappelle que, en effet, Jean Dubuffet, l'inventeur en 1945 de la notion d'Art Brut, était un rien ulcéré par ce qu'il appelait l'art académique (ce qui désignait à peu près l'art dans son entier, du moment qu'il était estampillé comme tel), et qu'il recherchait dans l'Art Brut un art contestataire (à prendre dans un sens très large), qui ne répondait pas aux critères, selon lui très étriqués et très bourgeois, de l'art. D'où sa définition de l'Art Brut, un art des reclus, des solitaires, des gens rejetés par la société et "indemnes de culture artistique" (dernier point sur lequel il me semble qu'il est revenu en partie au fil des années). Or, depuis Dubuffet et sa définition de l'Art Brut en 1945, sans oublier sa donation à la Ville de Lausanne en 1975, il s'est passé pas mal de choses et, comme il est rappelé dans la table ronde en fin d'ouvrage, on peut considérer que trois générations de chercheurs, mais aussi d'amateurs et de collectionneurs, ont fleuri.





Je vais donc m'attaquer, c'est bien le mot, à cette question des douze pages en moyenne par essai. C'est à mon sens le gros problème de l'ouvrage. le tout premier est signé Nathalie Heinich, sociologue à qui les autres auteurs du livre font beaucoup référence. Elle a travaillé sur l'art et sa réception, et sur le "passage à l'art", c'est-à-dire sur ce processus qui transforme un artefact ou tout un type de créations humaines en objet(s) d'art ; l'exemple typique, c'est la peinture : il nous semble aller de soi qu'une huile accrochée au Louvre est forcément de l'art, alors qu'il n'en allait pas forcément ainsi à l'époque de la réalisation de l'oeuvre. L'Art Brut a donc connu le processus appelé par Heinich "artification" : des productions considérées sans valeur, souvent données, abandonnées, voire carrément jetées soit par leurs créateurs eux-mêmes, soit par d'autres, ont acquis au fil du temps, selon certains critères (la fameuse "axiologie"), le statut d'oeuvre d'art. le sujet de l'artification de l'Art Brut est en soi tout à fait passionnant. le problème ici est que Nathalie Heinich passe pas mal de temps à expliquer sa méthode, quitte même à nous prendre un peu pour des idiots ; car oui, nous savons déjà que l'objet d'une étude scientifique doit être de préférence abordé et traité sans préjugés, on est quand même pas bêtes à ce point. Mais il semblerait que Heinich ait des comptes à régler avec Bourdieu, ce qui nous fait perdre du temps. Donc, en fin de compte, quand l'essai commence à devenir vraiment intéressant... eh ben, oh, zut, c'est terminé ! du coup, ça finit par ressembler à de la publicité de Heinich pour Heinich, d'autant qu'elle s'auto-cite énormément. C'est frustrant, et c'est en gros la marque de quasiment tout l'ouvrage.





Je passe vite fait sur l'essai de Pascal Roman concernant les processus psychiques de la création, qui, s'il tente tout de même de nous expliquer vite fait telle et telle notion, a finalement produit un texte destiné uniquement à des titulaires d'un doctorat en psychologie ; Gérard Dessons, dont j'avais juré ne plus lire une seule ligne après une mauvaise expérience, prend lui, pour ainsi dire, le contre-pied de son livre sur Maeterlinck : il est très compréhensible, mais enfonce des portes ouvertes avec beaucoup d'entrain. Car oui, on sait que les artistes dits "bruts" ont été longtemps sous-estimés, malmenés, ostracisés, marginalisés, instrumentalisés, etc., etc. Ce qui ne rend pas la conclusion de l'essai de Dessons logique, à savoir que, sous prétexte que les biographies d'artistes bruts ont été surexploitées pour la présentation de leur œuvres, le discours sur l'Art Brut relèverait de l'analyse littéraire. On exploite dans beaucoup de domaines artistiques (et également hors du champ des arts) les biographies d'auteurs pour l'analyse des œuvres, à tort ou à raison. Donc je ne vois pas bien ce qu'apporte l'essai de notre stylisticien.





Ce qui m'a fait bondir (mais je n'étais malheureusement pas au bout de mes peines), c'est l'essai sur l'Art Brut, les nouvelles technologies et YouTube. Là, il m'a paru clair que Charlotte Laubard ne savait pas très bien de quoi elle parlait. Elle a choisi comme sujet les création de madcatlady, dont elle dit un peu vite qu'elle est un véritable phénomène sur les réseaux sociaux (le nombre de vidéos vues ne va pas vraiment en ce sens, il n'y a qu'à faire un petite comparaison, au hasard, avec les vidéos de Tev - Ici Japon... sans parler des vidéos montrant des chats, hein). Ces créations, clairement non revendiquées comme de l'art par leur auteure, relèvent de la vidéo utilisant des logiciels courants de modélisation 3D facilement utilisables. Tout est bon pour nous faire passer madcatlady, dont on ne sait rien, pour une artiste tellement obsédée par son art qu'elle passe des dizaines d'heures sur chaque vidéo. Seulement les vidéos en question, qui je le redis, sont réalisées à partir de logiciels faciles à utiliser, font pour la plupart une ou deux minutes... Donc il faudrait vraiment ne pas être doué du tout pour en arriver à passer dix heures ou plus sur des vidéos de deux minutes ! Et tout est bon pour affirmer que les vidéos de madcatlady sont, il n'y a pas à tergiverser, de l'Art Brut. Là aussi, c'est tout sauf convaincant. Voilà qui m'a méchamment rappelé Mathilde Manchon, qu'ActuSF avait payée pour écrire un essai sur les lieux chez Lovecraft dans un ouvrage collectif, qui connaissait très mal Lovecraft et avait commis un texte terriblement creux et mauvais. Stop ! Il faut arrêter d'engager des étudiants en Master qui manquent de culture et d'expérience pour leur faire écrire des essais qui n'ont pas d'intérêt pour la publication, c'est pas leur rendre service et c'est pas sympa pour le lecteur. Mais il faut aussi arrêter de payer des universitaires qui n'ont rien à dire (ceci pour faire la balance avec Gérard Dessons).





Si l'essai sur une galerie d'art britannique issue d'un atelier d'art-thérapie en hôpital psychiatrique révèle également un manque d'expérience de Myriam Perrot, on voit tout de même qu'elle est bien renseignée sur son sujet ; mais comme la grande majorité des autres essais dans cet ouvrage, ça ne va pas assez loin, on est toujours frustré. Je ne vais pas tout décortiquer et je range donc à part trois essais beaucoup plus aboutis que les autres à mes yeux : ceux de Céline Delavaux, de Baptiste Brun et de Déborah Couette, tous trois membres du CrAB si je ne m'abuse. Celui de Céline Delavaux tend à démontrer que l'Art Brut, loin de n'être qu'une appellation ou un label, est bien un concept et reste donc tout à fait pertinent comme outil critique sur l'art, tout comme l'art contemporain, hypothèse qu'elle mène en bonne connaisseuse de Dubuffet qu'elle est. Celui de Baptiste Brun aborde la question de l'Art Brut en dehors de l'Occident. C'est un fait que Dubuffet ne présentait pratiquement que des artistes européens, voire nord-américains, via sa collection, ce qui lui a valu d'être accusé de post-colonialisme, entre autres. L'essai montre comme il était compliqué pour Dubuffet de définir ce qui relevait ou pas de son concept d'Art Brut parmi des œuvres de cultures qu'il connaissait mal, mais aussi comment on a pu élargir au fil du temps l'Art Brut à d'autres artistes que ceux d'abord repérés, en toute logique, en Europe, et ce que ça implique. Enfin, mon essai préféré, par Déborah Couette, concerne l'histoire de la scénographie de l'Art Brut. Où l'on voit que Michel Thévoz s'est pas mal contredit sur le sujet, et que si mettre en scène l'Art Brut selon une scénographie savamment pensée n'était pas une préoccupation de Dubuffet, c'est devenu un enjeu qui n'est pas sans conséquences sur la façon d'appréhender les œuvres et les artistes "bruts". Si c'est ce texte de Déborah Couette qui m'a le plus intéressée, c'est qu'il permet, au-delà de l'Art Brut, de réfléchir à la question de la scénographie des expositions et des musées en général.





Mais où est-ce qu'il est question du marché de l'art dans tout ça, hein ? Parce que c'est une question, tout même. Eh bien pas un essai n'y est consacré, si ce n'est plus ou moins celui de Myriam Perrot cité plus haut, à propos des liens entre art-thérapie et galerie dans un hôpital psychiatrique anglais. Mais nous avons bien une table ronde où l'on parle de la façon de présenter l'Art Brut mais aussi du statut économique des œuvres d'Art Brut. Et là, c'est le drame ! On découvre dans toute sa laideur le cynisme de Jean-David Mermod, collectionneur, et James Brett, collectionneur et galeriste. Car l'argent (et donc le prix qu'atteignent les œuvres "brutes") selon eux, on s'en fout, oh la la, quel sujet futile ! Facile à dire quand on est riche ; on n'a pas à se soucier de la notion d'art démocratique, du fait que les musées n'ont pas les moyens de se payer les œuvres que d'autres collectionnent, et on peut se permettre de jouer les grands mécènes en prêtant des œuvres tout en tenant des propos assez infects. Quant à Michel Thévoz et Sarah Lombardi, travaillant avec ces deux personnes, il leur est bien difficile de les contredire.





Cette critique est affreusement longue, j'en ai bien conscience. J'ai bien conscience aussi que l'ouvrage que je critique est destiné à ouvrir des pistes de réflexion plutôt qu'à approfondir en détail les différents sujets abordés. Il vise, je pense, à pousser les lecteurs vers d'autres livres, documents et outils de réflexion. Il n'empêche que ça n'est pas précisé dans la quatrième de couverture, et que ces textes peuvent tout autant susciter la frustration que donner l'envie d'aller plus loin. Pour le coup, il m'a donné envie de lire des essais de Nathalie Heinich et Céline Delavaux ; espérons que ça aura au moins autant d'impact, et même bien davantage, sur les autres lecteurs. Je ne tenterai pas de m'atteler à une thèse sur l'Art Brut pour autant, désolée ! Quoique je puisse changer d'avis si on me paie, futile comme je le suis, ou si on se montre très convaincant, par exemple en me disant que je vais apporter beaucoup à la recherche en me spécialisant en Art Brut, ce qui me semble plus que hautement probable.









Masse critique Non fiction
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Artaud et l'asile

"Il est très difficile de voir qui est Artaud. Il y a plusieurs Artaud. C'est une grande nuit, pleine d'éclairs. On voit une continuité dans sa pensée, dans son imagination. Il y a des pages très claires, et d'autres, pleines de fulguration, de tempête. Il est encore difficile de le voir avec exactitude. Il faut le démystifier encore et toujours. Dans la poésie de ce nouvel Hölderlin, les mots ont un autre poids, une autre gravitation ; ils ardent et brûlent, eau magnifique qui transforme en cendre ce qui n'est pas vérité nue et intense.

(...)

Artaud, qui est la négation de la littérature, n'est pas satanique, mais uniquement une plaie qui gémit, qui vocifère dans son agonie à communiquer."



Luis Cardoza, dans un entretien avec Jean-Claude Fosse et Gaston Ferdière.



Je remercie babelio et les éditions Séguier de m'avoir offert ce livre riche, très éclairant et passionnant, Artaud et l'asile. André Roumieux, ancien infirmier psychiatrique et Laurent Danchin, spécialiste international de l'art brut, nous proposent un ouvrage, qui est aussi un voyage, constitué de trois parties : d'abord, André Roumieux nous donne à lire une biographie quasiment médicale d'Artaud. Le poète y est présenté avec ses souffrances, ses maladies. Sa folie ? Dans un second temps, un ensemble de lettres dont certaines inédites nous est proposé. La plupart destinées au docteur Ferdière. Enfin, les auteurs associés à Jean-Claude Fosse conduisent plusieurs entretiens dont certains sont consacrés à la question de la psychiatrie et de l'électrochoc aujourd'hui. Aussi, divers documents illustrent ce livre (photos d’hôpitaux, de la famille ou d'amis d'Artaud, cartes postales, suivis médicaux...) et ce qu'ils nous donnent à voir permet une respiration au cœur d'une lecture parfois déroutante et angoissante. En effet, lire Artaud et l'asile, c'est entrer dans un monde de l'enfermement et de la souffrance...



Souffrances infinies d'Antonin Artaud. Acteur, dessinateur, homme de théâtre, Artaud est essentiellement un poète, un écorché vif qui par le verbe, parvient douloureusement à un hors de soi libérateur. Comme Nietzsche et Jim Morisson, il y a chez Artaud une soif d'absolu déterminante. Elle le conduit au Mexique « pour retrouver une Vérité qui échappe au monde de l'Europe et que sa race avait conservée. » Aussi et surtout, ce livre aborde la maladie, la folie d'Artaud. Paranoïaque, délirant à l'extrême, il se sent constamment persécuté, se croit empoisonné et connaît d'énormes souffrances psychologiques et physiques. Les électrochocs lui font le plus grand mal ; il connaît la chronicisation qui est la mort de l'esprit. La conscience d'Artaud se meurt, et meurtrie, elle ne peut plus rien. Devant la mort de l'esprit, le génie qui renie le corps étouffe et pousse des derniers cris... Vociférations, pulsions d'une vie qui survit, mots profondément glaçants et affolants.

Ami de Robert Desnos, Artaud pourra rejoindre Rodez et être suivi par le docteur Ferdière. Aliéniste réputé, collectionneur, engagé politiquement et cherchant à montrer la capacité créatrice contenue dans la folie, il sera un exemple pour certains, un nazi pour d'autres. L'intérêt du livre est de restituer au plus près le travail et la personnalité de Ferdière sans entrer dans la polémique. Du coup, beaucoup de questions se posent... Y a-t-il eu un intérêt de l’électrochoc pour Artaud ? Sans les électrochocs, l'écrivain aurait-il recommencé à traduire et à écrire ? Proche de son malade mais aussi de Desnos, de Dubuffet et d'autres amis d'Artaud, Ferdière donnera d'emblée une certaine liberté à son protégé. Une chambre à lui, plus de nourriture, du tabac à volonté, des sorties autorisées hors de l’hôpital pour des rencontres... Le livre pointe également le problème de la sous-alimentation dans les asiles sous l'Occupation. En effet, grand nombre d'internés sont morts de faim. Connu et apprécié, Artaud sera sauvé. Sauvé aussi par ses amis qui feront plusieurs manifestations de solidarité afin de récolter pour lui de l'argent : Adamov, Dubuffet, Paulhan, Queneau, Bataille, Michaux, Prévert, Picabia, et beaucoup d'autres...

Pour finir, je dirai que ce texte m'a appris beaucoup concernant le monde psychiatrique et plus largement, sur une société qui enferme et fait taire ce qui lui fait peur. Dans les derniers entretiens, je me suis sentie mal à l'aise devant le fait qu'aujourd'hui encore, l'électrochoc est apprécié et pratiqué, alors que certains psychiatres privilégient l'activité et l'échange des malades. De plus, j'ai découvert Chomo et Ferdière que je ne connaissais que de nom.

Ferdière qui comme Artaud ,savait que la « folie » ou l'absence de ce qu'on appelle la normalité pouvait être intimement liée à la création et à l'art...

Folie créatrice... La folie ?





« Je suis un fanatique, je ne suis pas fou. Je ne veux plus de l'ordre moderne qui ne nous mène qu'au chaos. »



Antonin Artaud.





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Art brut : L'instinct créateur

Vraiment bien fichu, ce bouquin sur l'art brut ! A l'heure où nombre d'artistes se disent "singulier" ou "hors normes", où les biennales, expositions et autres manifestations fleurissent et où les ateliers d'art-thérapie, à l'hôpital ou à l'extérieur, se multiplient, difficile de s'y retrouver dans cet hydre qu'est devenu l'art brut cher à Dubuffet.



Connaissant son sujet, Laurent Danchin remet les pendules à l'heure et de l'ordre dans nos idées, en choisissant d'aborder son sujet dans une perspective chronologique, qui a l'avantage de faire comprendre clairement au lecteur d'où vient l'art brut et ce qu'est l'art brut "historique" de Dubuffet. On suit donc le parcours de cette entité assez particulière que constitue l'art brut, venu des hôpitaux psychiatriques et des premières collections d'art asilaire - d'où son surnom d'art des fous. Puis, après la genèse, vient le fondateur : Jean Dubuffet. Comment il s'est intéressé à l'art brut, comment il a constitué une collection, quelle fut la définition qu'il donna de l'art brut (quitte à revenir sur cette définition), et quels furent les réussites et les déboires de Dubuffet, voilà de quoi traite le second chapitre du livre, à la fois objectif, pédagogique, concis et sans concessions (car Dubuffet ne fut pas toujours un homme facile). Art asilaire, art médiumnique, art des enfants, bref, art des non-initiés à l'art académique : nous savons en quoi résidait alors l'art brut. Et voilà de quoi - enfin - commencer à voir plus clair dans sa nébuleuse.



Toujours de manière aussi pédagogique, Laurent Danchin poursuit son ouvrage, à la fois en déroulant la chronologie de ce qui allait devenir les arts singuliers et qui avait échappé au contrôle de Jean Dubuffet, mais aussi en établissant les spécificités des nouvelles initiatives et des nouvelles collections qui commençaient à se constituer à droite ou à gauche. L'on comprend alors que l'art singulier dépasse largement le cadre, finalement assez normé, dans lequel avait été enfermé l'art brut : chaque passionné, chaque collectionneur a façonné à sa façon les limites de l'art singulier, et, surtout, les a élargies. Puis vint de le temps de l'internationalisation, et Danchin nous montre qu'avec les frontières géographiques, l'art brut prit son essor vers d'autres destinations : l'art outsider était né.



Non seulement l'auteur a le mérite de poser le sujet de façon claire et concise, de rendre les méandres de l'histoire et de l'évolution de l'art brut compréhensibles, mais il pose aussi le problème de l'identité de l'art brut aujourd'hui, qui n'échappe pas aux lois du marché de l'art. Et c'est bien tout le paradoxe de l'art brut, qui est à la fois valeur marchande, sujet d'étude et, même, médiatique. Tous les Découvertes Gallimard ne sont pas aussi bien conçus, celui-là met de l'ordre dans un sujet où l'on se perd très facilement, et ce n'est pas la moindre de ses qualités. C'est donc par cet ouvrage que je vous conseille de commencer si vous voulez aborder pour la première fois le sujet de l'art brut, ou effectuer une bonne révision.



Pour ma part, j'aurais aimé approfondir le sujet avec La folie de l'art brut de Roxana Azimi et publié par les éditions Séguier. Or, bien que je fusse sélectionnée pour recevoir ce livre dans le cadre de Masse Critique, Les éditions Séguier n'ont jamais jugé bon de me l'envoyer. Mais c'est une autre histoire.
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Artaud et l'asile

Ma lecture d'Antonin Artaud remonte à longtemps, mais je garde un souvenir très vif de sa correspondance avec Jacques Rivière et de quelques uns de ses poèmes de l'ombilic des Limbes. A l'époque, je n'avais cependant guère été plus loin, rebuté par une tentative sans suite de lire " Le moine". C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai reçu ce livre de l'éditeur dans le cadre de l'opération Masse critique, même si les 869 pages m'ont au début un peu impressionné. Au début seulement, car ce livre aurait pu aussi se décliner en trois livres différents. La première partie ( 250 pages) est en effet une biographie croisée d'Antonin Artaud et de son dernier psychiatre, le docteur Ferdière. Celle ci est particulièrement intéressante, tant par le regard qu'elle pose sur l'environnement psychique de l'écrivain, que sur l'état balbutiant, impuissant et inhumain de la psychiatrie des années 40. On y retrouve l'imbrication inéluctable du délire de l'écrivain et de sa poésie surréaliste, et l'ambiguité du médecin, à la fois passionné de littérature surréaliste et psychiatre. Apparement le monde des psychiatres de cette époque était pétri de surréalisme. Il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une analyse littéraire mais d'une biographie, en l'espèce principalement médicale. A vrai dire, pour un ignare comme moi des controverses auxquelles ont donné lieu les soins prodigués à l'écrivain et l'exploitation de son oeuvre, cette très bonne biographie aurait pu suffire. Mais les auteurs, conscients de cette polémique et de l'impossibilité d'être totalement objectifs ont souhaité y joindre les principaux courriers des protagonistes sur lesquels est fondé leur travail. J'ai parcouru plus ou moins rapidement ces nombreuses lettres, d'intérêt inégal, mais accompagnées chacune d'un commentaire appliqué souvent très détaillé permettant de les situer (malheureusement écrit en caractères très petits, sans doute pour un pas alourdir plus un très gros livre). Je dois reconnaître qu'elles complètent très judicieusement la biographie et étaient sans doute indispensables pour calmer la polémique. La troisième partie est une série d’entretiens avec le docteur Ferdière et divers proches ou spécialistes qui permet de faire valoir les opinions des uns et des autres et présente un intérêt documentaire indéniable. Un livre passionnant qui ravira donc sans aucun doute tous les amateurs d'Antonin Artaud, et donnera aux autres l'envie d'en connaître plus.
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Artaud et l'asile

Lorsque Masse critique de Babelio a présenté ce livre, je me suis empressée de participer : un livre contre une critique.



En mai 2014 j'ai eu le bonheur de voir l'exposition du Musée d' Orsay : Vincent Van Gogh / Antonin Artaud, "le suicidé de la société". Un parcours créé à partir de la trame de l'ouvrage d'Antonin Artaud et cela a été une émotion si forte que je suis sortie trop bouleversée pour avoir le sentiment d'avoir pleinement vécue ce moment.

Cinq fois je suis revenue, cinq heures passées dans cet univers qui m'a happé, tellement ces deux âmes se confondent, se rehaussent, se parlent, et planent sur nous. Une trentaine d'œuvres présentées, jusqu'au final "le champ de blé aux corbeaux", tableau vivant.



Ce fut magique, de vie, d'émotions multiples et colorées. Cela ne s'oublie pas...



Le livre se partage en deux parties :



Livre 1 : André Roumieux, infirmier psychiatrique, bouleversé par la souffrance et la révolte d'Antonin Artaud n'a de cesse d'essayer de comprendre.

Issu d'un milieu bourgeois : père armateur, mère au foyer, élevé dans une double hérédité culturelle marseillaise et levantine. C'est un petit garçon absolu et hypersensible.

Très tôt, trop tôt il connait un accident de la vie : la mort accidentelle de sa petite sœur, à la suite de quoi il fit une méningite. Couvé et surprotégé par sa mère il deviendrait excessif , capricieux et hypersensible.

Ses années sont rythmées par des changements d'humeur. Angoissé perpétuel, ce jeune homme élève studieux et brillant , adore la lecture : Pöe, Baudelaire, les civilisations anciennes. Il a de nombreuses dispositions artistiques : théâtre, peinture et écriture.

Mais l'angoisse est toujours là, tapie dans l'ombre, qui attend son heure. Antonin vit dans la peur chronique de perdre ceux qu'il aime.

n souffre.

1916-1917 : il consulte le Dc Grasset, il s'ensuit un séjour en clinique psychiatrique en Suisse où il est traité au laudanum (opium).

1920 il s'installe à Paris et est suivi par le Dc Toulouse, médecin-chef de l'asile d'aliénés de Villejuif. Ce dernier devient son protecteur, conseiller, guide et thérapeute.

Il loge en dehors mais à côté de l'asile, les murs sont hauts et les cris constants.



Il s'engage au théâtre. Lorsqu'un an plus tard le Dc Toulouse dirige le premier service psychiatrique libre de l'asile Sainte-Anne, il s'établit une véritable collaboration entre ces deux êtres.

En 1924, son père meurt et sa mère s'installe à Paris.Il connait ses premiers engagements en littérature et fait connaissance avec le surréalisme et il en assume le bureau de recherches.

Il écrit "le surréalisme vint à moi à une époque où la vie avait parfaitement réussi à me lasser, à me désespérer et où il n'y avait plus pour moi d'issue que dans la folie ou la mort".

Le surréalisme est l'envers du décor logique.

Expérience dont il ressort plus seul,plus souffrant et plus révolté.



Une fiche hospitalière le signale comme "malade protestataire", belle formule.



Et puis en 1937, tout bascule, ce ne sont plus des internements volontaires mais des placements d'office, pendant 18 mois il devient "UN COLIS QUI N'A PAS LA PAROLE".

Sa vie est enveloppée d'un mélange d'effluves : urines, éther, désinfectant et rythmée par le bruit des grosses clefs et des cris.



Sa vie est sous la contrainte la plus absolue et l'observation permanente de tous.

Il subit le malade Artaud, il n'est plus Antonin Artaud, poète flamboyant, écrivain talentueux.

Trois infirmiers vont reconnaître en lui un malade prestigieux.

Bien entouré par sa sœur et sa mère; "personne comme une mère de malade ne sait lire sur un visage, dans un regard, avec autant de discernement".

Il écrit beaucoup, mais pas de littérature, des lettres, beaucoup de lettres.



L'apocalypse de la seconde guerre mondiale, est une abomination pour les asilaires, la mortalité y devient galopante.

Alerté par sa mère, d'anciens compagnons artistes vont se mobiliser pour sortir Antonin Artaud, non pour une sortie de l'asile mais pour un transfert à Rodez, Robert Desnos s'y emploie avec énergie .



Gaston Ferdière, à partir de son transfert le 10 février 1943, va le prendre en charge. Il sera soumis à des électrochocs, au total 58 en 18 mois. Il considérera cela comme un viol de sa personnalité.

Cependant sa situation évolue, il peut reprendre certaines activités littéraires, il passe les fêtes de Noël dans la famille Ferdière. Il bénéficie de sorties tout d'abord accompagné puis libre. Ainsi il fera la connaissance de Denys-Paul Bouloc poète, romancier et critique littéraire autodidacte.



La France est toujours en guerre avec son lot d'abominations, Robert Desnos est arrêté, il va mourir ;



Dans une France rationnées, Antonin Artaud enjoins sa mère de ne plus lui envoyer de colis "Pense à toi" et il précise que ses amis ne l'oublient pas et ils mentionnent qu'ils ont envoyé de l'argent au directeur de l'asile pour ses frais.

Les lettres de Rodez vont être publiées. Il écrit un article sur Desnos.

Ses amis continuent leur mobilisation pour le faire sortir de l'asile.

Le 25 mai 1946, il va être officiellement "libre" mais après neuf années d'enfermement, le Docteur Ferdrière écrira "Et puis je vois mal, en face d'un être si exceptionnel, le sens exact du mot "guérison", des mots "santé mentale"!".



Il y a dans le monde des arts et lettres une solidarité jamais vue, afin d'assurer son existence matérielle.

Il va donner sur scène une incroyable représentation, témoignage de ce monde asilaire.

Il voit une exposition des œuvres de Van Gogh à l'Orangerie et en rentrant il écrit "Van Gogh, le suicidé de la société"

Cependant il s'enfonce dans les ténèbres, le couperet tombe en février 1948, il a un cancer généralisé.

Il décède en mars, ses derniers mots écrits seront pour sa mère.



Livre 2 : Entretiens et correspondance d'Antonin Artaud, annotés et préfacés par Laurent Danchin essayiste et conférencier spécialisé dans l'art brut et la création autodidacte.



Ces textes disent beaucoup.



Cet essai ne s'appréhende pas en une seule lecture, le travail des auteurs est magnifique, ils nous font un véritable cadeau.



En conclusion, le lecteur en ressort éblouit et bouleversé.



Un coup de cœur, coup de poing.



Antonin Artaud le flamboyant sombre.

Il en résulte une terrible envie de lire et relire ce poète.

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Artaud et l'asile

Ce livre composé du témoignage d'un infirmier psychiatrique, André Roumieux et du travail d'un essayiste connaisseur d'art brut, Laurent Danchin, est une mine d'informations tant sur le monde asilaire des années 1930 à 1950, que sur celui des intellectuels français à la même époque, artistes et écrivains surréalistes notamment.



On y fait la connaissance du docteur Ferdière, figure controversée qui administra 58 électrochocs à Antonin Artaud mais le sauva peut-être d'un sort plus cruel, la chronicisation, mal terrible engendré par la vie asilaire, qui altère durablement et souvent irrémédiablement la vie psychique. C'est en effet lui qui encouragea Artaud à reprendre l'écriture, qui lui prescrivit, d'abord accompagné, puis seul, des promenades en ville, et autorisa enfin sa sortie de l'hôpital psychiatrique de Rodez.



On y rencontre, grâce à des dizaines de lettres s'échelonnant de 1943 à 1948, dont certaines inédites, la mère d'Antonin Artaud, Euphrasie, et les nombreux amis et éditeurs, grâce auxquels il put quitter l'institution psychiatrique : Jean Paulhan, Jean Dubuffet, André Breton, André Gide, Robert Desnos, Arthur Adamov, Jacques Prével, Colette Thomas, Paule Thévenin.



Y sont évoquées avec beaucoup de sensibilité les deux conférences majeures qui furent l'apothéose de sa vie artistique, celle du théâtre Sarah Bernhardt à laquelle il ne put participer et celle du Vieux Colombier le 13 janvier 1947.



L'évolution de la psychiatrie au cours de 20 ème siècle est amplement évoquée grâce à des entretiens avec des médecins hospitaliers, et l'on apprend avec étonnement que les électrochocs sont une thérapie toujours en vigueur aujourd'hui.



Malgré son volume, ce livre se lit facilement et n'est à aucun moment ennuyeux. Il fourmille de précisions passionnantes quelquefois très drôles, sur les années de guerre. On y voit l'atroce euthanasie dont furent victimes les internés sous forme de privations alimentaires (beaucoup, comme Séraphine de Senlis ou Camille Claudel, moururent de faim).



Par l'intermédiaire du Docteur Ferdière, érudit, collectionneur et figure majeure de l'essai (avec Artaud), on pénètre dans l'univers de l'art brut, et de ses représentants : le facteur Lonné, le facteur Cheval, Anton Prinner, surnommé "le Pic vert' par Picasso, Roger Chomeaux, dit "Chomo"...



"Artaud et l'asile" est un livre indispensable pour comprendre avec le coeur et avec l'esprit le monde dans lequel vécut Antonin Artaud et pour se faire une idée des relations entre la maladie mentale et la création.
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L'Art Brut : Actualités et enjeux critiques

Disons-le tout de suite : Ce livre se destine avant tout à ceux et celles ayant déjà des connaissances et un intérêt pour l’art, voire pour l’Art brut directement - sans être totalement inaccessible par les néophytes pour autant (certains passages leur sembleront peut-être soporifiques). L’art brut est un sujet pointu, et bien plus complexe que son concept le laisse entendre, ce que les auteurs démontrent avec brio, certes pas forcément de la manière la plus claire et concise possible. Mais ces spécialistes ont le mérite de faire le tour du sujet et d’apporter matière à réflexion et éléments de réponse autour des théories et questionnements de Dubuffet.

Au final, ce livre permet de mieux comprendre les enjeux de cet art (opposé par nature à l’art académique) face aux musées, au marché de l’art, aux autres formes d’Outsider art, au primitivisme, à l’art contemporain, et même à Internet.



Ma note pour un adepte des arts plastiques : 4/5

Pour un néophite : 2/5.



Livre découvert à l’occasion d’une opération Masse critique.
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Art brut : L'instinct créateur





« Art Brut - L’instinct créateur » écrit et présenté par Laurent Danchin répond parfaitement aux critères de la collection Découverte Gallimard. L’ouvrage est intéressant, clair dans son commentaire et bien illustré. Certes le nombre de références (notamment l’énumération des artistes) densifie la présentation du sujet, mais les quatre chapitres ponctuent les étapes de la reconnaissance et de la définition de l’art brut depuis son invention par Jean Dubuffet en 1945.

La découverte de cette forme artistique dans l’art des fous et les exemples tirés des asiles européens dérangent les approches classiques. Apparue à la fin du XIX ème siècle, elle est contemporaine de l’art moderne. Jean Dubuffet élargit sa recherche dans les milieux carcéraux, celui des médiums…Echappant à une classification rigide, ces formes artistiques investissent les espaces naturels (le célèbre Palais Idéal du facteur Cheval est aujourd’hui une destination touristique). Il rejoint les milieux contestataires dans les années 70, puis s’échappe vers les horizons américains à la fin du XXème siècle, se qualifiant d’art outsider. Une belle et abondante reproduction d’œuvres d’art permet de saisir l’ampleur des créations et leur profonde originalité. En annexe, les témoignages et documents éclairent fort justement le propos. En 160 pages, l’auteur réussit la synthèse d’un sujet complexe. Une première approche qui m’est apparue réussie.

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Artaud et l'asile

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Marcel Storr

[L'oeuvre de Marcel Storr] est exposée au pavillon Carré de Baudouin et racontée dans un beau livre qui rend justice à ce facteur Cheval visionnaire, cet autodidacte obsessionnel, ce peintre proliférant dont l'art brut défie à la fois la pesanteur et le malheur.
Lien : http://rss.nouvelobs.com/c/3..
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