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Citation de Zenon1988


Miles leva les bras au ciel.
– Par saint Isidore le laboureur, vas-tu t’adoucir, l’abbé ? Nous sommes partisans de ta cause !
Anselme modéra sa voix, et, légèrement moqueur :
– Que proposez-vous, alors, messieurs mes partisans ?
– Nous connaissons la guerre, mon père, commença Arnaut de sa plus belle voix, mais aussitôt Anselme toisa le seigneur corseté dans sa tunicelle indigo et des chausses si moulantes qu’elles laissaient deviner son intimité.
– La guerre, monsieur de Thouars, n’est pas affaire de mirliflore ou de coquet.
Arnaut sourit en pinçant les lèvres, affligé d’être éternellement précédé par sa réputation, mais conscient qu’on n’arrête pas un feu qu’on a attisé des années durant.
– Quant à ce bouffon de carnaval, reprit le prieur en désignant sévèrement Fricot, sa place est à la fête de l’Âne bien plus sûrement qu’au combat.
– Ah ! la fête de l’Âne, soupira le batelier de Seine, j’ai du baume au cœur rien qu’à y penser… Chaque année, les femmes se déguisent en hommes, les moines se griment en démons, les fous sont portés en triomphe, les taverniers ouvrent leurs meilleurs muids… Et parfois, même, les gourgandines se donnent à prix d’ami… Songez qu’il y a trois ans la mère Barbe m’invita dans sa couche ; ah ! elle était bien vilaine, Barbe, mais Dieu qu’elle connaissait l’amour… Parfois elle me manque bien…
– Épargne-nous tes états d’âme, Fricot, ordonna Miles.
Puis, se tournant vers Anselme :
– Et toi, l’abbé, tes médisances tombent à faux ! N’empêche sa coquetterie, Arnaut est vaillant dans la bataille ! Regarde plutôt cette étoile timbrée d’un soleil d’or agrafée à son pourpoint.
– Cette breloque ? fit le prieur en jetant un coup d’œil soupçonneux à la broche d’Arnaut.
– Cette breloque n’est rien d’autre que l’ordre de l’Étoile, que le roi nous remit à Roosebeke, pour services rendus à la Couronne.
Anselme examina attentivement le fermail, et ne put s’empêcher de sourciller d’admiration.
On n’attribuait la broche étoilée qu’aux plus intrépides des soldats, ceux qui se montraient dignes des premiers chevaliers de l’ordre institué par Jean le Bon. Avant la bataille de Mauron, ceux-ci, faisant face à un ennemi supérieur et mieux armé, avaient juré de ne pas reculer de plus de quatre pas. Et quand l’armée anglo-bretonne avait chargé, quatre-vingt-dix d’entre ces seigneurs, fidèles à leur engagement et aux statuts de l’ordre, étaient restés figés dans la boue, malgré la pluie de flèches qui s’abattait sur eux, jusqu’à ce que mort s’ensuive.
– Eh bien, donc, messieurs, quelle est la marche à suivre, si je veux prendre ce bastion ? dit le prieur, adouci par le vénérable insigne.
– C’est bien simple, mon père, répondit Arnaut d’une voix ferme. Confiez-nous vos hommes, et nous vous offrirons ce fortin.
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