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Citation de Charybde2


Il met du temps à se retrouver, chaque nouveau jour. Il commence par entrouvrir les yeux puis jauge, sans bouger, la couleur du plafond, blanc crayeux, jusqu’à parvenir à faire le point. Petites traces grises, déjections d’insectes, débris de toiles d’araignées, infimes fissures. Il cherche à ne pas précipiter le retour en ce monde, inspiration, expiration, juste le souffle et ce battement de cœur qui l’agite, ses yeux eux-mêmes ne bougent pas. Quand il est certain d’être entièrement là, seulement, il baisse les paupières comme on tire un store, l’été, et laisse, autour de lui, l’univers entier se reformer.
Aquilea, ville enclavée, dessine depuis l’espace un vaste carré. Sur l’un de ses côtés, il y a le fleuve, immense, bourbeux et semé d’îles étranges. Le long d’une autre s’étire la frontière, avec son mur et ses tours de guets, ses rouleaux de fil de fer, ses douaniers en uniforme. Les deux derniers côtés n’aboutissent nulle part, ils se perdent dans le désert. Aux limites de la cité, les trottoirs se fondent dans la chaussée et l’asphalte se délite en grains grisâtres, les maisons cèdent la place aux terrains enclos, aux jardins redevenus sauvages, à une lande inculte. Les voies de terre se perdent en mille chemins, vaste delta dessiné par les sabots de chevaux emballés, grisés par l’idée de la pampa. En ce lieu, le regard touche à l’horizon. Les seuls signes tracés sur cette page d’un gris parfait sont des bosquets d’arbres sombres aux troncs couverts d’épines. Il préfère pour l’heure ne pas penser à ça, pas plus qu’aux pays au-delà de la frontière, dont les noms inquiètent les journaux, ou aux bases avancées des envahisseurs installées dans les archipels fluviaux, armée indécise n’attendant qu’une nuit nuageuse pour débarquer dans le port.
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