AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Birm Tegetch n’était qu’un amas de rocailles et de vies jetées au bord de la maigre ravine. À la belle saison, une eau pâle ruisselait entre les rocs, pour moitié invisible. Elle venait des sommets et portait des souvenirs de verdure, de germes et de pluies, avant de filer vers l’aval. Le reste de l’année les femmes cheminaient jusqu’aux puits, lentes processions dans les lacets. Les arbres étouffaient de poussière, bras tors vers le ciel. Hommes et bêtes s’enfonçaient au plus sombre de la pierre où, collés aux parois humides, ils redisaient leurs contes de ténèbres, usés comme leur propre langue, aussi mystérieux et anciens. Birm Tegetch n’avait jamais appartenu à personne, homme ou dieu. On disait le crâne des bergers trop épais ; ils étaient simplement peu curieux et têtus jusqu’à l’obstination. Les dominations passaient comme des bourrasques, ils se relevaient intacts. Il y avait trop peu à prendre dans ce village et aucune âme à soumettre.
Cela faisait trois générations que les Tegetchis résidaient sur la tache rose d’une carte d’état-major étrangère. Une poignée de Mycroniens s’y étaient établis au temps des grandspères, avaient monté trois bâtiments cubiques au haut du bourg, étaient repartis. Deux de ces maisons s’étaient affaissées et servaient de granges à fourrage, de hangars. La troisième, basse et trapue, était restée intacte, close par une porte de métal et une chaîne hérissée de rouille. Les pierres sonnaient agréablement sur l’huis bosselé, le lapider avait quelque chose de plaisant, de sacrilège.
Les Blancs peinaient à parler une langue humaine. Une ou deux fois par mois on en voyait passer dans des automobiles ouvertes, égarés entre leurs bases d’altitude. Ils s’arrêtaient rarement, pour réclamer par gestes à boire, à manger. Mais ceux qui fascinaient les enfants vivaient dans le ciel. Quand l’ombre oblongue d’un zeppelin se dessinait au sol, les gamins gagnaient les hauteurs, cavalant aux pierriers. On allait voir les Blancs glisser par-dessus monts et déserts, silencieux comme des nuages, leurs visages ronds inscrits dans le rond des hublots. (« À propos d’un épisode méconnu des guerres coloniales motherlando-mycroniennes »).
Commenter  J’apprécie          10









{* *}