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Citation de Apoapo


2. « Avec un "Allah, pardonne-moi !", le Capitaine Izzet interrompt sa prière. Au même moment, le courant nous décroche de l'éperon et nous commençons à couler. Cela prend dix à quinze minutes, le temps de fermer un œil et de le rouvrir. Les passagers des Dardanelles, hommes, femmes et enfants, abandonnent paniers, sacs et couvertures rapiécées pour se jeter dans la brume. Personne ne veut mourir. Dans un ultime sursaut, avec l'aide considérable du maître d'équipage Tahsin, je parviens à sauver cinquante-trois personnes. Je les hisse à bord du cuirassé français. Vient le moment du Cinquante-quatrième, un homme malingre dans les quarante ans, portant cravate et lunettes. Il attend son tour. Son œil est fixe, il a une cigarette entre ses lèvres. Nos regards se sont déjà croisés sur le pont. C'est son tour, il attend, il m'appelle en agitant les bras de haut en bas. Serait-ce Suphi ? Le bateau coule par le fond, je risque de sombrer avec, et le Cinquante-quatrième aussi. Je suis hors d'haleine, je le regarde, un homme avec sa cigarette, sa cravate, sa chemise blanche. Il court en hurlant, à bâbord, à tribord, de la poupe à la proue, lève les poings vers moi, vers la brume, vers les bâtiments de la flotte ennemie, puis vers des gens que je distingue plus. Ensuite, il se noie, en même temps que les quinze autres personnes restées à bord.
[…]
Chaque fois que je pense à ce jour, je revois cet homme avec sa cravate pendouillant dans la brume... Sa cravate au fond de la mer Noire... Mon frère Ahmet qui m'a tant harcelé : "Qui a assassiné Mustafa Suphi ? Qui a tué Suphi ?" » (pp. 148-149)
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