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Citation de Cielvariable


“ Le lendemain matin, Pamela passa à la maison, fraîche et radieuse, dans une nouvelle robe en coton lavande parsemée de violettes. Je lisais, assise sur le rebord de la fenêtre en saillie de ma chambre et aperçus les rubans qui flottaient à la base de son chapeau tandis qu’elle s’approchait de la porte d’entrée. Lorsque je quittai ma place, les fins rideaux en organza se refermèrent automatiquement derrière moi.


Matilda, qui avait retrouvé son innocence et sa robe noire austère, la fit entrer. Elle s’apprêtait à prendre sa carte de visite pour m’annoncer sa venue, mais j’arrivai au bas de l’escalier à temps.


— Pamma ! Fini l’uniforme aujourd’hui ! Tu as l’air normale !


— Je sais ! répondit-elle. (Elle sourit et s’éloigna de notre domestique en sautillant.) Et toi aussi !


Au moment même où elle prononça ces mots, je vis la consternation altérer les traits de son visage. Je secouai la tête et la pris par le bras pour l’escorter jusqu’au salon. C’était vrai, je n’étais plus en deuil… et pourtant je portais une robe gris argent foncé à encolure carrée, avec des manches lourdement ornementées. Je ne ressemblais certes pas à un gros bonbon coloré.


Assise devant son secrétaire dans l’alcôve située sous le grand escalier, tante Gene nous regarda passer. Elle disposait là d’un minuscule bureau depuis lequel elle pouvait surveiller à la fois sa messagerie électronique et la porte d’entrée. La veille au soir, j’avais adopté une nouvelle politique, consistant à faire comme si elle n’existait pas. Ah, tiens, ma tante est assise là ? Ah bon, j’ai une tante ? Je l’ignorais totalement.


— Tu as déjà eu l’occasion de parler à ta tante ? s’enquit Pam en se laissant tomber avec grâce sur l’un des canapés du salon et en ôtant son chapeau.


Sans attendre ma réponse, elle tendit la main pour effleurer du doigt l’épaisse vitre qui recouvrait la table basse. Des touches digitales représentant des camées apparurent sur la surface vitrée. Elle sélectionna l’une d’entre elles d’un doigt, et les écrans en forme de soleils s’allumèrent sur toute la longueur du plafond. Jusqu’à présent, ils avaient affiché le même ciel artificiel, constellé de dirigeables, que celui visible sur le grand écran à l’extérieur ; désormais, ils diffusaient la fin du traditionnel programme matinal destiné aux enfants. Miss Jess Novio, gouvernante renommée de la télévision, animait déjà cette émission quand j’étais enfant, et continuait aujourd’hui encore à distraire les nouvelles générations afin que leur bonne puisse bénéficier de quelques instants pour prendre le thé et faire du raccommodage. À l’époque, je la suivais religieusement.


« Et voici comment faire une belle révérence ! Allez les amis, on descend ! Plus bas ! »


— Il n’y a rien à la télé, nous pouvons toujours laisser ça, dis-je.


J’avais déjà décidé de ne pas souffler un mot de ce qui s’était passé la veille. Rien n’avait transpiré jusque-là, et je voulais qu’il continue à en être ainsi.


Pam était occupée à parcourir les différentes chaînes. Elle avait rarement l’occasion de regarder la télévision chez elle, alors, dès qu’elle nous rendait visite, elle avait pris l’habitude d’allumer la nôtre, juste pour le bruit. Elle interrompit son zapping lorsqu’elle tomba sur un reportage consacré au tournoi de golf des Territoires, qui avait lieu en ce moment.


— Papa en est fou. Il ne parlait que de ça hier soir.


— Comment va ta famille ? demandai-je en me jetant sur le canapé rembourré.


— Très bien. (Pam se tourna vers moi.) Et si tu venais dîner à la maison demain soir ?


— Ce serait super, répondis-je tandis que les résultats du golf s’affi chaient au-dessus de nous.


— Eh bien, jeunes filles, n’avez-vous rien de mieux à faire ?


Pamela et moi tournâmes la tête vers la porte, sur le seuil de laquelle tante Gene se tenait, son étole en shantung violette sur les épaules. Pam se leva et fit la révérence avec respect.


— Nous n’avons pas encore déterminé notre emploi du temps pour aujourd’hui, répondis-je d’un ton sec.


— Oh ! je me disais que nous pourrions aller faire les magasins en ville, proposa Pam en se rasseyant. Ils ont déjà commencé à sortir les tissus pour le printemps. Mère m’a déjà commandé cette robe – au fait, tu aimes ? – mais elle a dit que je pourrais en avoir une autre.


Je sautai sur l’occasion.


— Je la trouve superbe, elle te va à merveille, commençai-je dans l’espoir qu’une soudaine tornade de minauderies suffirait à chasser ma tante.


— J’ai une meilleure idée, nous interrompit tante Gene d’un ton ferme.


Nous fûmes toutes deux contraintes de nous taire et de la regarder. Elle nous récompensa d’un sourire mielleux.


— Pourquoi ne pas m’accompagner ? Je rends visite aux Allister. J’étais sur le point de m’habiller pour y aller.


Oh non, pas les Allister. Rien ne faisait plus plaisir à lord Allister que d’exhiber sa collection d’oiseaux empaillés, et lady Allister était presque toujours muette, donnant ainsi l’impression à tout le monde que le moindre éternuement l’incommodait. Quant à leur fils, on ne pouvait le qualifier, au mieux, que de chiffe molle. À côté de lui, la plupart de mes professeurs paraissaient être des dépravés fous à lier.
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