LA MÉMOIRE
Je porte en moi des châteaux multiples, les mots.
Leur nuit infime, leur étrange foudre.
Parmi eux flambent les coqs la gaité facile.
Des oiseaux venus d'ailleurs et qui construisent
Leur nid dans le tumulte, sous les tuiles du toit.
Puis la frénésie des oubliés les innombrables
Les incertains. La machinerie des regards d'autrefois
Les bourdonnants tilleuls les émois qui s'attardent :
Un fatras de brume. Des mots qui feignent le sommeil
Et qui tout à coup frappent comme des haches. Rien
Alors ni personne ne peut combler l'abîme
Qui se fait en moi. J'écoute la circulation des êtres
L'incompréhensible sang. Comme le dormeur des anciens
Contes je rêve debout des blessures de l'avenir
Ces grands trous de la vie, sans le moindre étonnement.
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