Cette lune de miel s'acheva sans lune et sans miel.
Chaque exception a sa règle, elle aussi. Saül était sorti de la règle, il n'y était d'ailleurs jamais entré. Mutation des chromosomes, hasard génétique, grain de sel de l'évolution ? Saül n'était ni un arbre, ni un homme, ni une femme, et tout cela à la fois. Étrange mélange. Était-il la fin d'un cycle animal, le début d'un cycle végétal ? Une erreur, une solution ? La nature creuse-t-elle toujours la voie du milieu ? Marie-t-elle toujours les contraires qui ne veulent pas se résoudre ? Cet assemblage-là semblait tellement réussi. Maly et Saül, Saül et Maly, une nature sublimée, une fusion expansive, contaminant, rayonnante. Une irrépressible conversion s'opérait autour de ce radeau de la méduse, refuge, remède, réconciliation irradiante. L'animal et le végétal dans un même élan évolutif. Deux règnes réconciliés ne vivant plus l’un de l’autre, mais l’un pour l’autre.
Pourquoi diable, leur avait-on enseigné tout ce vocabulaire d'actions qui leur resteraient à jamais inaccessibles. Partir, flâner, nager, escalader, marcher, emporter, rejoindre, visiter, conquérir… Et non, pas ce dernier, c’est lui qui avait été à l'origine de tous leurs problèmes : conquérir. En résumé, si l'homme n'avait jamais mis en œuvre cette action, peut-être que rien de tout cela ne serait arrivé.
L'ersatz de liberté végétale qui leur avait été concédé semblait basé sur des fondements justifiés, mais il ne les comprenait pas. Le genre masculin était en prison à vie, de père en père et Saül pensait ne pas mériter cette condamnation. Elle le révoltait. Il voulait partir, flâner, nager, escalader, marcher, emporter, rejoindre, visiter… Et il le promettait, il le jurait, ne plus jamais rien chercher à conquérir.