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Citation de Charybde2


L’Étoile morte brilla dans l’Univers pendant une heure et vingt-cinq minutes avant de disparaître brusquement. Seul un immense réseau de radiotélescopes se montra en mesure de détecter ses débris – une étoile à neutrons en rotation rapide émettant des impulsions électromagnétiques à des intervalles réguliers.
Le visage collé aux vitres de la salle de classe, les enfants assistèrent du début à la fin à ce crépuscule qui n’en était pas un, au plus étrange des couchers de soleil qu’il leur serait jamais donné de voir. Ils virent le bleu du ciel s’assombrir, annonçant la nuit. La lumière de l’Étoile morte s’estompa, ne laissant plus qu’un halo crépusculaire qui occupa d’abord la moitié du ciel, avant de se réduire bientôt à un cercle vide, sa couleur passant au blanc. La majeure partie du ciel était désormais sombre et commençait à se piqueter d’étoiles. Le halo autour de l’étoile continua à se contracter jusqu’à sa disparition finale. Autrefois source de lumière rayonnante, l’Étoile morte n’était maintenant plus qu’un point légèrement lumineux. Quand le ciel eut retrouvé son visage habituel, elle était encore l’étoile la plus brillante de la voûte, avant de se réduire encore et n’être plus qu’une étoile ordinaire parmi les autres de la Voie lactée. Cinq minutes passèrent, et l’Étoile morte s’était complètement évanouie dans les abysses de l’Univers.
Constatant l’arrêt des éclairs, les enfants sortirent en courant de la salle de classe, et se retrouvèrent dans un monde phosphorescent. Tout à l’extérieur : arbres, bâtiments, y compris le sol lui-même, brillait d’une lueur bleu-vert sous les ténèbres du ciel, comme si la Terre et tout sur la Terre était fait de jade translucide et qu’une source de lumière semblable à la Lune émergeait des profondeurs pour imprégner le jade de son éclat. Des nuages émeraude flottaient dans le ciel nocturne, tandis que des volées d’oiseaux affolés passaient à toute allure, telles des fées luminescentes. Ce qui frappa le plus les enfants, c’était qu’eux-mêmes étaient devenus phosphorescents, comme ces images tirées d’un négatif photo, ou comme une horde de fantômes.
– Je l’avais dit, tout peut arriver… murmura Lunettes.
Les lumières de la salle de classe se rallumèrent, aussitôt suivies par celles de la ville. Les enfants ne réalisèrent qu’à cet instant qu’il y avait eu une panne d’électricité. Avec la réapparition des lumières artificielles, l’omniprésente phosphorescence s’estompa. Les enfants crurent que le monde était revenu à son état initial, mais ils découvrirent bientôt avec stupeur que tout n’était pas terminé.
Au nord-est, brillait une lumière rouge. Après un certain temps, des nuages pourpres se levèrent dans cette partie du ciel, comme s’ils annonçaient l’aube.
– Cette fois, le jour se lève pour de vrai !
– N’importe quoi, il n’est même pas encore 23 heures !
Les nuages rouges dérivèrent et couvrirent vite la moitié du ciel. Les enfants se rendirent compte qu’ils brillaient de leur propre lumière. Lorsque leurs confins atteignirent le milieu du ciel, les enfants virent d’immenses bandes de lumière qui ressemblaient à autant de plis de rideaux suspendus dans l’espace, se tordant et se métamorphosant lentement.
– Une aurore boréale ! cria un enfant.
L’aurore tapissa bientôt tout le ciel et, pendant la semaine entière qui suivit, les nuits du monde entier se drapèrent de pourpre.

Une semaine plus tard, quand les aurores disparurent et que les étoiles scintillantes firent leur retour, arriva le dernier et le plus somptueux mouvement de cette symphonie cosmique : une nébuleuse éclatante naquit à l’endroit même où l’Étoile morte était apparue quelques jours plus tôt. La poussière laissée par l’explosion de la supernova, excitée par les impulsions électrique de haute énergie de l’Étoile morte, émit des radiations synchronisées dans le spectre visible, de sorte que l’œil humain pouvait en voir le spectacle. La nébuleuse se développa lentement, jusqu’à atteindre la taille de deux pleines lunes dans le ciel. Ce grand corps radiant en forme de fleur lui vaudrait bientôt le nom de « nébuleuse de la Rose ». Elle émettrait dans le firmament une lumière bleue, étrange et crue qui, en atteignant la Terre, brillerait comme un clair de lune argenté, illuminant chaque détail du sol et assombrissant les lumières des villes en contrebas.
Désormais, la nébuleuse de la Rose resplendirait pour le reste de l’histoire de l’humanité, jusqu’au jour où l’espèce qui régnait sur cette planète depuis la disparition des dinosaures s’éteindrait ou deviendrait immortelle.
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