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Citation de JeanLucas


« Je méditais en silence, appuyée contre l'arbre,
quand soudain nous entendîmes un bruit. Quelqu'un
qui respirait fort, tout près de nous. Un homme assis de
l'autre côté de l'arbre reposait sa tête contre le tronc,
tournant le dos au paysage. C'était un mendiant. Un
bâton en bois et une cruche en terre, fissurée et pleine
d'eau, étaient posés près de lui. Le vieillard avait les
pieds salis par la marche et les cheveux pleins de poussière.
Son habit constitué de loques trouées dégageait une odeur d'étable. Il portait une barbe longue et très
blanche. Son visage exprimait quelque chose d'impassible
et d'ancien qui inspirait un grand respect. Sa vue
me fit tout de suite penser à Jean Baptiste, peut-être
parce qu'il reposait sous un caroubier et que le fruit de
cet arbre aurait été, paraît-il, la seule nourriture du saint
dans le désert.
« Quand nous nous approchâmes de lui, je vis dans
ses yeux l'expression du vide absolu. Le vieillard était
aveugle, ce qui augmentait l'impression de solitude que
son existence et tout son être renvoyaient.
« L'Algérien me dit à voix basse : “Donne-lui
l'aumône, il n'y a pas de peine plus grande que celle
d'être aveugle à Grenade.” Je donnai un peu de monnaie
au pauvre homme sans comprendre pourquoi Antar
m'avait parlé de Grenade. Alors il murmura, comme s'il
me livrait un secret, que si la qoubba de Lalla Setti et le
caroubier étaient sacrés, ce mendiant l'était encore plus.
« – On raconte, poursuivit-il, que cet homme, désespéré
par la mort de son fils, est monté il y a longtemps
sur ce plateau, en prenant le même chemin que le nôtre,
et qu'il a perdu la vue à force de regarder le soleil.
Depuis, il demeure ici à l'écart du monde, sous son
arbre, vivant de ce que les gens veulent bien lui donner.
« Antar serra contre lui le mendiant comme un frère.
(...)
Je dévisageai l'Algérien qui s'aperçut de mon
trouble. Il accepta de me parler un peu de lui.
« Nous étions là, avec pour seuls compagnons le mendiant,
le caroubier et le vent qui sifflait dans son feuillage
et agitait ses fleurs. En tombant, les pétales tapissaient la
terre d'un duvet rouge, tandis que les caroubes, suspendues
au-dessus de nos têtes comme des guirlandes, semblaient
se pencher pour mieux écouter le récit que le
Maure était sur le point de commencer."
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