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EAN : 9782226438751
288 pages
Albin Michel (29/01/2020)
4.24/5   23 notes
Résumé :
Au soir de sa vie, dans la pénombre de son vaste appartement montpelliérain, Mariane se met en tête de confier un lourd secret à son petit-fils. C’était juste avant la guerre, en 1953, en Algérie, sa terre natale...
Jeune mère de famille et mariée à un riche colon, Mariane ne connaît rien de la vie lorsque vole en éclats son univers trop prévisible lors d’un spectacle de fantasia. Plus fo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Des clichés, des vérités, des invraisemblances aussi qui s'entremêlent et composent la pâte de ce roman. Des couleurs parfumées, des rêves enchâssés qui redeviennent réalité, des regrets ressassés , de la nostalgie par écrivain interposé. Ecrire pour offrir de la résilience par procuration.
Une histoire bien composée, bien documentée, des archives, des témoignages savamment exploités, mais au final un roman où les extravagances démultipliées nuisent à la réalité historique.
Et bien sûr l'ombre de Camus qui se profile… ! et ça j'apprécie !
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« J'avais tant de fois désiré l'Orient que je le regardais de tous mes yeux et croyant à peine ce que je voyais » Eugène Delacroix

Loris Chavanette a également regardé de tous ses yeux cette terre algérienne et offre un roman à l'image d'un tableau : une palette de mots, des nuances dans les phrases, des pages en couleur pour une perspective livresque qui plonge le lecteur dans un espace d'émotions et d'impulsions humaines.

L'histoire commence à Montpellier avec Antoine, étudiant qui rend visite à sa grand-mère Marianne. Entre eux, ce sont des relations assez tendues sans aucune réelle chaleur malgré le soleil qui a façonné cette famille originaire d'Algérie et qui a pris dans les années cinquante le chemin de l'exil, un retour en France avec larmes et regrets. Marianne est aidée par Naoel qui est la fille de l'employé de maison lorsque Marianne et son époux Georges habitaient Mostaganem. Entre elles, c'est une amitié irréversible.
Au crépuscule de sa vie, Marianne décide de révéler son secret ; après en avoir longuement parlé avec Antoine et Naoel, elle remet à Antoine un carnet qu'elle a rédigé sur le bateau du retour. Antoine va découvrir une femme qu'il ne connaissait pas et comprend pourquoi sa grand-mère s'est réfugiée dans une sorte de mausolée de silence, dans la solitude. Parce que son coeur est resté dans les montagnes de Tlemcen et qu'il avait commencé à battre différemment lors d'une fantasia à l'issue tragique.

C'est là que le récit prend une intensité incroyable et que la plume se transforme en pinceau entre l'ocre du paysage, la tension d'un pur-sang qui se cabre, la vision des cavaliers et des montagnes, le symbole des chevaux et de la violence, la passion humaine et cette impression gigantesque de la liberté. le roman devient un carnet de voyage qui n'oublie pas de peindre l'histoire d'un pays, ses blessures, ses croyances, ses forces et ses faiblesses où se mêlent la mort et l'amour. Cet amour qui ne dure qu'un instant mais qui deviendra éternel même quand l'âme se détache du corps.

Un premier roman qui peut, à première vue, sembler démarrer doucement, mais qui galope progressivement vers des sommets scripturaux avec une fin qui mériterait la danse des sept voiles pour toutes les métaphores des destinées.
Lien : https://squirelito.blogspot...
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« Je trouve aujourd'hui que la vie n'est jamais aussi belle et ardente que lorsqu'elle côtoie la mort. »
Ce sont les mots de Mariane, jeune française d'Algérie dans les années 50, éternellement déracinée. Ces mots, elle les partage aujourd'hui avec Antoine, son petit-fils, qui lui rend visite chaque dimanche dans son appartement de la rue Ranchin à Montpellier.
Antoine est un étudiant d'une vingtaine d'années qui n'a de sa grand-mère pas d'autre image que celle d'une femme-spectre, très taciturne et transparente. Jusqu'à ce qu'elle sente arriver sa propre mort. Il est alors temps pour elle de dévoiler l'ultime secret qui la hante depuis plus d'un demi-siècle, son « crime » comme elle l'appelle. Et, pour la première fois, Antoine est subjugué, passionné, en découvrant, au-delà du secret si bien gardé, que sa grand-mère n'est pas qu'une coquille vide, ridée et défraîchie.
On découvre avec lui une partie de la vie de cette femme dans l'Algérie française de l'époque, juste avant la guerre, et Mariane, très religieuse, peu sûre d'elle, assez soumise, mariée à un homme qui ne se soucie que très peu d'elle, va partir à la rencontre d'elle-même, se révéler corps et âme.
Cette femme, qu'on aurait cru jusqu'alors naïve et effacée, nous apparaît soudain comme un être tout à fait lumineux, à mesure qu'elle découvre autrement ce pays, qui est le sien sans l'être vraiment.
Et c'est là, lors d'une fantasia à laquelle elle assiste presque par accident, que sa vie va se trouver bouleversée à jamais.

L'auteur nous fait voyager, dans le temps et dans la chaleur étouffante du Nord de l'Afrique, région qu'il dépeint avec une beauté tout en couleurs, et nous décrit avec justesse toute la tendresse que l'on peut avoir pour un grand-parent, pour ses racines. Il nous raconte aussi avec brio la torture intérieure de son héroïne, prisonnière de ses choix et de son héritage.
Dans ce roman, il est également question d'origines, de religion, d'amour, de mort et, surtout, de vie.

Loris Chavanette est historien, spécialiste de la Révolution Française notamment. Il signe avec La Fantasia son premier – et très beau - roman édité par Albin Michel.
Lien : https://www.frequenceterre.c..
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Ce roman saura toucher la génération qui n'a pas connu l'Algérie des années 50. Loris Chavanette, à l'instar de Camus, décrit avec talent la beauté de ce pays dans ses moindres recoins de paysages et de coeurs humains. Malgré son grand âge et son retour forcé en France, la pensée de la vieille Mariane est restée au-delà de la Méditerranée, et c'est ce qu'elle veut partager avec son petit-fils qui n'a pas connu la vie de ses ancêtres pieds-noirs. le jeune Antoine découvre alors les heures les plus significatives de la vie de sa grand-mère, dont, entre autres, cette magnifique Fantasia qui résume la grandeur mauresque ou sa nuit à Tlemcen qui suivit la procession de Notre-Dame de Santa Cruz. Malgré la lucidité politique de Pierre , journaliste parisien qui fait pressentir une rébellion inévitable, et grâce à la sensibilité de Mariane héritée d'une ascendance noble de coeur, l'auteur parvient à faire revivre bien plus les amitiés indéfectibles que les inévitables humiliations humaines, remémorant des similitudes de moeurs et de rites qui sauront rapprocher les coeurs délicats. Les couleurs chatoyantes de cette terre magnifique contrastent avec le teint diaphane d'une vieille femme en fin de vie, trop lucide sur la nature humaine pour ne pas dévoiler, avant de mourir, son secret et ses espérances. Comme le dit Loris Chavanette lui-même, « Oui !ce livre valait la peine d'être vécu» : une fresque d'ombre et de lumière, une vie pleine de fierté et chagrin, de sensualité et pudeur, imprégnée de l'écho du muezzin et du parfum des fleurs d'oranger, malheureusement blessée par des séparations fatales et des départs sans retour ! Et si ce magnifique roman n'était qu'une allégorie de l'histoire d'amour de la France pour l'Algérie? Au lecteur de le dire , mais en tout cas il en sortira aussi fortifié que le jeune Antoine.

B.Clavel Delsol
Lien : http://panoramadelectures.ov..
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« Je trouve aujourd'hui que la vie n'est jamais aussi belle et ardente que lorsqu'elle côtoie la mort. »
Ce sont les mots de Mariane, jeune française d'Algérie dans les années 50, éternellement déracinée. Ces mots, elle les partage aujourd'hui avec Antoine, son petit-fils, qui lui rend visite chaque dimanche dans son appartement de la rue Ranchin à Montpellier.
Antoine est un étudiant d'une vingtaine d'années qui n'a de sa grand-mère pas d'autre image que celle d'une femme-spectre, très taciturne et transparente. Jusqu'à ce qu'elle sente arriver sa propre mort. Il est alors temps pour elle de dévoiler l'ultime secret qui la hante depuis plus d'un demi-siècle, son « crime » comme elle l'appelle. Et, pour la première fois, Antoine est subjugué, passionné, en découvrant, au-delà du secret si bien gardé, que sa grand-mère n'est pas qu'une coquille vide, ridée et défraîchie.
On découvre avec lui une partie de la vie de cette femme dans l'Algérie française de l'époque, juste avant la guerre, et Mariane, très religieuse, peu sûre d'elle, assez soumise, mariée à un homme qui ne se soucie que très peu d'elle, va partir à la rencontre d'elle-même, se révéler corps et âme.
Cette femme, qu'on aurait cru jusqu'alors naïve et effacée, nous apparaît soudain comme un être tout à fait lumineux, à mesure qu'elle découvre autrement ce pays, qui est le sien sans l'être vraiment.
Et c'est là, lors d'une fantasia à laquelle elle assiste presque par accident, que sa vie va se trouver bouleversée à jamais.

L'auteur nous fait voyager, dans le temps et dans la chaleur étouffante du Nord de l'Afrique, région qu'il dépeint avec une beauté tout en couleurs, et nous décrit avec justesse toute la tendresse que l'on peut avoir pour un grand-parent, pour ses racines. Il nous raconte aussi avec brio la torture intérieure de son héroïne, prisonnière de ses choix et de son héritage.
Dans ce roman, il est également question d'origines, de religion, d'amour, de mort et, surtout, de vie.

Loris Chavanette est historien, spécialiste de la Révolution Française notamment. Il signe avec La Fantasia son premier – et très beau – roman édité par Albin Michel.
Lien : https://www.frequenceterre.c..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
« Dans cette ruche humaine où les vapeurs de tabamel
et de jasmin embaumaient l'air d'une fumée opaque, il y
avait une reine.
« Sous un auvent d'intérieur, allongée sur un sofa
en lattes dans une absolue oisiveté, la Mauresque
était d'une beauté exceptionnelle. Son bras, couvert de bracelets qui s'y enroulaient comme des aspics, reposait
derrière sa tête sur un coussin en velours, tandis qu'elle
caressait de l'autre main une tortue minuscule qu'elle
retenait prisonnière.
« À ses pieds, un homme d'âge mûr se prosternait
devant sa beauté prodigieuse et essayait de lui arracher
un regard. De temps en temps, quand la Mauresque
trempait ses lèvres dans une tasse de thé, il suivait d'un
oeil avide la bouche entrouverte et vermeille de la femme
qui gardait son air d'indifférence absolue. Si la plupart
des clients de ces maisons consommaient les prostituées
avec une vulgarité assumée, celui-là avait dû tomber
amoureux jusqu'à la folie de l'une d'elles, au point de
vouloir être seul à la posséder. Ses yeux dévoraient la
femme, qui se pavanait dans des gestes lents sans prêter
aucune attention à ses démonstrations d'amour. Il tenta
une approche en posant sa main sur une des babouches
de la fille qui n'eut qu'à poser ses yeux de chat sur lui
pour qu'il retire sa main. Mais il sembla encouragé par
ce regard farouche. Il sortit de sa veste un bijou qu'il lui
tendit en inclinant la tête. Elle parut intéressée par ce
petit trésor et ses sourcils fins, dessinés en arêtes, s'animèrent.
Le présent était un magnifique diadème en
argent surmonté d'une frise en ivoire. Elle le prit, ôta le
foulard qui couvrait sa chevelure et déposa le diadème
sur sa tête sans un sourire. Le client baisa la main qu'elle
lui tendait, s'extasiant à l'idée que le bijou qu'il avait
touché ornait maintenant cette tête qu'il adorait.
« La tenancière, qui n'avait rien manqué de la scène,
fit un léger signe à la Mauresque pour qu'elle se lève.
Ce qu'elle fit avec une lenteur insolente. L'orchestre
s'arrêta de jouer. Tandis que tous les regards la fixaient,
elle alla se placer sur un tapis brodé au milieu de la
pièce, ôta ses babouches et dégrafa la toge incarnate
qui lui couvrait les épaules et ne tenait plus que par une
ceinture en maille. La jeune fille dévoila sa taille de
guêpe, sa poitrine et le haut de son ventre jusqu'au
nombril. Son corps plus sombre que celui des autres
filles révélait ses origines sahariennes. Il était couvert de
colliers de perles, de pendentifs et de dizaines de piécettes
en argent qui scintillaient au gré des flammes.
Après un long silence, les musiciens se tournèrent
ensemble pour faire face au mur. Peut-être qu'ils ne
devaient pas la voir se dénuder. La jeune fille allait
danser."
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« Je méditais en silence, appuyée contre l'arbre,
quand soudain nous entendîmes un bruit. Quelqu'un
qui respirait fort, tout près de nous. Un homme assis de
l'autre côté de l'arbre reposait sa tête contre le tronc,
tournant le dos au paysage. C'était un mendiant. Un
bâton en bois et une cruche en terre, fissurée et pleine
d'eau, étaient posés près de lui. Le vieillard avait les
pieds salis par la marche et les cheveux pleins de poussière.
Son habit constitué de loques trouées dégageait une odeur d'étable. Il portait une barbe longue et très
blanche. Son visage exprimait quelque chose d'impassible
et d'ancien qui inspirait un grand respect. Sa vue
me fit tout de suite penser à Jean Baptiste, peut-être
parce qu'il reposait sous un caroubier et que le fruit de
cet arbre aurait été, paraît-il, la seule nourriture du saint
dans le désert.
« Quand nous nous approchâmes de lui, je vis dans
ses yeux l'expression du vide absolu. Le vieillard était
aveugle, ce qui augmentait l'impression de solitude que
son existence et tout son être renvoyaient.
« L'Algérien me dit à voix basse : “Donne-lui
l'aumône, il n'y a pas de peine plus grande que celle
d'être aveugle à Grenade.” Je donnai un peu de monnaie
au pauvre homme sans comprendre pourquoi Antar
m'avait parlé de Grenade. Alors il murmura, comme s'il
me livrait un secret, que si la qoubba de Lalla Setti et le
caroubier étaient sacrés, ce mendiant l'était encore plus.
« – On raconte, poursuivit-il, que cet homme, désespéré
par la mort de son fils, est monté il y a longtemps
sur ce plateau, en prenant le même chemin que le nôtre,
et qu'il a perdu la vue à force de regarder le soleil.
Depuis, il demeure ici à l'écart du monde, sous son
arbre, vivant de ce que les gens veulent bien lui donner.
« Antar serra contre lui le mendiant comme un frère.
(...)
Je dévisageai l'Algérien qui s'aperçut de mon
trouble. Il accepta de me parler un peu de lui.
« Nous étions là, avec pour seuls compagnons le mendiant,
le caroubier et le vent qui sifflait dans son feuillage
et agitait ses fleurs. En tombant, les pétales tapissaient la
terre d'un duvet rouge, tandis que les caroubes, suspendues
au-dessus de nos têtes comme des guirlandes, semblaient
se pencher pour mieux écouter le récit que le
Maure était sur le point de commencer."
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«Dans la lumière finissante du jour, à laquelle la
réverbération des montagnes donnait une teinte proche
de l'ocre, je vis se dessiner devant moi plusieurs rangées
d'hommes et de femmes portant des habits traditionnels.
La plupart étaient assis par terre. Les femmes portaient
des voiles aux couleurs chatoyantes. La richesse
des parures serties de pierres précieuses, qui scintillaient
au milieu de cette campagne pauvre, laissait deviner que
le groupe appartenait à quelque tribu arborant ses
richesses pour simuler un pouvoir qui s'éteignait au fil
des âges. Ces gens semblaient attendre qu'un événement
important se produise.
«Une femme à la beauté éclatante, couverte d'or,
recevait, assise sur un tapis finement brodé, des présents
qu'on déposait à ses pieds avec une parfaite pudeur. Il
ne faisait aucun doute qu'on célébrait son mariage. Elle
paraissait très jeune vu la pureté de ses mains et ses
poignets frêles sur lesquels serpentaient délicatement
des rubans roses et noirs. Sa chevelure était de jais. Deux yeux d'un noir vif et profond, cerclés de cils longs, éclairaient
ce visage d'une beauté fraîche, bien qu'impassible
au milieu du tumulte. Une musique berbère accompagnait
cette scène touchante. Le soleil projetait une
lumière dorée qui illuminait le voile à rayures irisées de
la jeune fille, lui donnant un éclat sublime que j'admirais
en silence.
«Nous nous approchâmes lentement d'un groupe
d'hommes qui se tenait au bout d'une longue file d'individus
pressés autour d'un terrain vierge. Je serrai mes
enfants contre moi en suivant Georges qui se faufilait
pour atteindre le premier rang. On nous jetait des
regards hostiles, mais personne n'osa nous témoigner la
moindre animosité. Une odeur forte de cuir et de paille
sèche venait des alentours. Au loin, on apercevait une
armada de cavaliers qui fermaient l'horizon, et que les
derniers rayons du soleil semblaient transpercer en faisant
briller l'écrin dont étaient parés les chevaux alignés.
Ces derniers remuaient, se cabraient, et lâchaient des
hennissements furieux qui parvenaient jusqu'à nous,
portés par le vent. On aurait dit un mirage dans le ciel
couchant."
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« Quel besoin étrange j'ai eu de raconter ces événements
par écrit ? C'est une scène sur le pont du navire
qui m'en a donné l'envie. J'étais avec les familles de
pieds-noirs qui faisaient de grands signes d'adieu à leur
pays en versant toutes les larmes de leur coeur détruit.
Je n'ai pas eu assez de force pour me retourner, regarder
en arrière et voir une dernière fois la côte. Mes yeux
étaient plantés vers le large. En laissant l'Algérie derrière
moi, je lui tournais le dos.
« La foule, pressée sur le pont du navire, est restée les
yeux fixés sur la côte africaine jusqu'à ce qu'elle ait disparu
entièrement. C'est alors que quelqu'un près de moi
a demandé quel était ce point noir à peine perceptible
qui tardait à s'estomper dans le lointain. Un homme a
répondu sans hésiter : les montagnes de Tlemcen. En entendant ces mots, j'ai eu un léger sursaut et n'ai pu
m'empêcher de me retourner et de fouiller l'horizon,
comme pour y trouver une guêpe. J'ai prié l'homme de
m'indiquer où se trouvait ce point minuscule. Il me l'a
montré du doigt. Dans la lumière poudreuse, j'ai aperçu
une tache sombre dessinant un croissant. Ma main s'est
raidie, est devenue froide. Mon visage a pâli. En joignant
mes mains contre ma poitrine, à l'endroit du coeur, j'ai
murmuré plusieurs fois le nom d'Antar. Le bruit des
vagues et du moteur du bateau couvrait mes murmures.
En choeur avec les Français sur le pont du navire, derrière
mes lunettes de soleil, je sanglotais en pressant mes
enfants contre moi plus fort encore et en leur donnant
un baiser sur la tête à chacun.
« Comprenant que j'avais trop de peine pour voir disparaître
la côte, mon plus jeune fils Jean m'a demandé
d'une voix tremblotante pourquoi je tournais le dos à
l'Afrique. En plongeant dans ses grands yeux, j'ai
répondu : « On ne dit pas adieu quand on aime. »
« Après, j'ai eu envie d'écrire et me suis enfermée
dans ma cabine. Et depuis, je griffonne sur ce journal
sans pouvoir m'arrêter. Chaque mot, chaque phrase me
coûte."
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« On resta un moment sans rien dire, à l'ombre du
caroubier, plongés dans une longue et savoureuse
contemplation du ciel et de la terre. Nos yeux se promenaient
sur l'horizon et, pendant un instant, ni les noms
des rues, ni les noms des mosquées, ni les noms des
montagnes n'eurent la moindre importance. Je comprenais
ce que le caroubier avait de sacré. Son ombre nous
ouvrait les portes de l'Algérie merveilleuse. Je découvrais
que cette terre avait une histoire. Les Algériens cultivent une foule de légendes qui font la culture d'un
peuple. J'aimais de plus en plus le charme envoûtant du
pays qui était le mien et qui le restera toujours dans une
partie de mon coeur. Mais plus je m'aventurais hors des
sentiers battus, guidée par Antar à travers les ruelles, les
ruines et la montagne, plus mon coeur se serrait. J'avais
l'impression d'avoir plus appris, et sur l'Algérie et sur
moi-même, en une journée à Tlemcen que pendant les
dernières années que j'avais traversées comme un fantôme.
L'Algérie m'apparaissait pour ce qu'elle était :
une terre ancestrale, pauvre certes, mais riche de traditions
qui y avaient pris racine dans un mélange surprenant
de sensualité et de pudeur qu'Antar incarnait.
C'était donc ça le mystère de l'Orient, transporté jusqu'à
ce pays conquis par de nombreuses peuplades, dont
nous les Européens. Comme tout ce qui va sur terre,
nous ne sommes que de passage, m'étais-je surprise à
penser. Ce fut la réflexion la plus libre, la plus spontanée
que j'avais eue jusqu'alors."
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