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Citation de JulienDjeuks


Des disputes sur la vraie religion, p. 32
La diférence que je trouve entre vôtre créance, & celle des Anglois, embarasse si fort mon esprit, que plus je cherche à m'éclaircir, & moins je trouve de lumiéres. Vous feriez mieux de dire tous tant que vous étes, que le grand Esprit a donné des lumiéres sufisantes à tous les hommes, pour conoître ce qu'ils doivent croire & ce qu'il doivent faire, sans se tromper. Car j'ay ouï dire que parmi chacune de ces Réligions diférentes, il s'y trouve un nombre de gens de diverses opinions ; comme, par exemple, dans la vôtre chaque Ordre Religieux soutient certains points diférents des autres, & se conduit aussi diversement en ses Instituts qu'en ses habits, cela me fait croire qu'en Europe chacun se fait une religion à sa mode, diférente de celle dont il fait profession extérieure. Pour moy, je croy que les hommes sont dans l'impuissance de connoître ce que le grand Esprit demande d'eux, & je ne puis m'empêcher de croire que ce grand Esprit estant aussi juste & aussi bon qu'il l'est, sa justice ait pû rendre le salut des hommes si dificile, qu'ils seront tous damnés hors de vostre religion, & que même peu de ceux qui la professent iront dans ce grand paradis. Croi-moy, les affaires de l'autre monde sont bien diférentes de celles-ci. Peu de gens sçavent ce qui s'y passe. Ce que nous sçavons c'est que nous autres Hurons ne sommes pas les auteurs de nôtre création ; que le grand Esprit nous a fait honnêtes gens, en vous faisant des scelerats qu'il envoye sur nos Terres, pour corriger nos défauts & suivre nostre exemple. Ainsi, mon Frére, croi tout ce que tu voudras, aïe tant de foy qu'il te plaira, tu n'iras jamais dans le bon pais des Ames si tu ne te fais Huron. L'innocence de nôtre vie, l'amour que nous avons pour nos fréres, la tranquilité d'ame dont nous jouissons par le mépris de l'intérest, sont trois choses que le grand Esprit exige de tous les hommes en général. Nous les pratiquons naturellement dans nos Villages, pendant que les Européans se déchirent, se volent, se diffament, se tuent dans leurs Villes, eux qui voulant aller au pais des Ames ne songent jamais à leur Créateur, que lors qu'ils en parlent avec les Hurons. Adieu, mon cher Frére, il se fait tard ; je me retire dans ma cabane pour songer à tout ce que tu m'as dit, afin que je m'en ressouvienne demain, lorsque nous raisonnerons avec le Jésuite.
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