Citations de Louis Racine (20)
Oui c'est un Dieu caché, que le Dieu qu'il faut croire,
Mais tout caché qu'il est , pour révéler sa gloire
Quels témoins éclatans devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers ; et vous, terre, parlez.
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles ?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles?
Telle est de l'univers la constante harmonie.
De son empire heureux la discorde est bannie :
Tout conspire pour nous, les montagnes, les mers,
L'astre brillant du jour, les fiers tyrans des airs.
Puisse le même accord régner parmi les hommes !
Reconnaissons du moins celui par qui nous sommes,
Celui qui fait tout vivre, et qui fait tout mouvoir.
S'il donne l'être à tout, l'a t-il pu recevoir ?
Il précède les temps : qui dira sa naissance ?
Par lui l'homme, le ciel, la terre, tout commence
Oui, tout nous est voilé jusqu'au moment terrible,
Moment inévitable, où Dieu, rendu visible,
Précipitant du ciel tous les astres éteints,
Remplacera le jour, et sera pour ses saints
Cette unique clarté si long-temps attendue.
Pour eux-mêmes sévères, ici-bas à leur vue
Il se montre, il se cache ; et par l'obscurité
Conduit ceux qu'autrefois perdit la vanité.
La Terre est un exil : pourquoi suis-je exilé ?
Qui suis-je ? Mais hélas plus je veux me connaître,
Plus la peine et le trouble en moi semblent renaître.
Qui suis-je ?... Qui pourra me le développer ?
Voilà, Platon, voilà le nœud qu'il faut couper.
Que de berceaux pour eux aux arbres suspendus !
Sur le plus doux coton que de lits étendus !
Le père vole au loin, cherchant dans la campagne
Des vivres qu'il rapporte à sa noble compagne ;
Et la tranquille mère attendant son secours,
Echauffe dans son sein le fruit de leurs amours.
Des ennemis souvent ils repoussent la rage,
Et dans de foibles corps s'allume un grand courage.
Devant son Osiris l'Egypte est en prière :
Vainement un tombeau renferme sa poussière ;
Grossièrement taillée, une pierre en tient lieu.
D'un tronc qui pourrissoit le ciseau fait un Dieu.
Du hurlant Anubis la ridicule image
Fait tomber à genoux ce peuple si sage.
La raison dans mes vers conduit l'homme à la foi.
C'est elle, qui portant son flambeau devant moi,
M'encourage à chercher mon appui véritable,
M'apprend à le connaître, et me le rend aimable.
Faux sages, faux savans, indociles esprits,
Un moment, fiers mortels, suspendez vos mépris.
La raison, dites-vous, doit être notre guide.
A tous mes pas aussi cette raison préside.
Sous la divine loi que vous osez braver,
C'est elle-même ici qui va me captiver,
Et parle à tous les cœurs, qu'elle incite à s'y rendre :
Vous donc qui la vantez, daignez du moins l'entendre.
Homme né pour souffrir, prodige d'ignorance,
Où vas-tu donc chercher ton arrogance ?
Tandis que le besoin, l'industrie et le temps
Polissent par degré tous les arts différens ;
Enfantés par l'orgueil, tous les crimes en foule
Inondent l'univers, le fer luit, le sang coule.
Est-ce moi qui produit mes riches ornemens ?
C'est celui dont la main posa mes fondemens.
Si je sers tes besoins, c'est lui qui me l'ordonne
Dans ce dédale obscur, quel fil peut me conduire ?
Qui me débrouillera ce chaos plein d'horreur ?
Mon coeur désespéré se livre à la fureur.
Vivre sans se connaître est un trop dur supplice :
Que, par pitié du moins, la mort m'anéantisse...
Montagnes, couvrez-moi ; Terre ouvre tes abîmes :
Si je suis si coupable, engloutis tous mes crimes ;
Et périsse à jamais le jour infortuné
Où l'on dit à mon père : « Un enfant vous est né »
Philosophes, que dis-je, antiques discoureurs,
C'est prêter trop long-temps l'oreille à vos erreurs.
Ainsi donc étourdi de pompeuses paroles,
Plus troublé que jamais, je sors de vos écoles.
Vous promettez beaucoup : de vos grands noms frappés,
J'attendois tout de vous, et vous m'avez trompé
Des maux de tes sujets quand seras-tu touché ?
Tendre père, témoin de nos longues alarmes,
Pourras-tu voir toujours tes enfants dans les larmes ?
Non, non. Voilà de toi ce que j'ose penser :
Ta bonté quelque jour saura mieux nous placer.
Mais comment retrouver la gloire qui m'est due ?
Qui peut te rendre à moi, félicité perdue ?
Monstre de vanité, prodige de misère,
Je ne suis à la fois que néant et grandeur.
Au pied de son idole un barbare à genoux,
D'un être destructeur vient fléchir le courroux.
Etre altéré de sang, je te vais satisfaire,
Que cette autre victime apaise ta colère ;
L'homme se sent brûler d'une ardeur qui lui plaît.
Plein du Dieu qui l'enchante, aussitôt il se hait.
Tout en lui jusqu'alors lui parut admirable :
Tout en lui maintenant lui paroît méprisable.
Il s'abaisse : du sein de son humilité
Sort un homme nouveau qu'a fait la Charité
Mon choix n'est plus douteux, je ne balance pas.
Et quoi, de la vertu respectant les appas,
L'amour de mon bonheur me pressoit de la suivre !
Doux, chaste, bienfaisant, pour moi seul j'allois vivre.
O grand Dieu, sans changer j'obéis à ta loi !
Doux, chaste, bienfaisant, je vais vivre pour toi.
Loin d'y perdre, Seigneur, j'y gagne l'assurance
De tant de biens promis à mon obéissance.
Je me hâte de vivre et de vivre avec moi.
Je demande et saisis avec un coeur avide
Ces momens que m'éclaire un soleil si rapide
Ma charité s'étend sur tous ce que je voi.
Je suis homme : tout homme est un ami pour moi.
Le pauvre et l'étranger, le ciel me les envoie,
Et mes mains partagent avec eux avec joie
Des biens qui pour moi seul n'étoient pas destinés.
Les solides trésors sont ceux qu'on a donnés.
La morale n'a rien qui nous doive alarmer.
Cherchons-y ces devoirs qui, tous tant que nous sommes,
Nous attachent au ciel, à nous, à tous les hommes.