Au milieu de ces abysses de solitude et de désespoir, je côtoie la Mort. Elle me provoque et me teste en venant me frôler, caressant mon coeur de sa main désincarnée et glacée.
- Je nous imaginais seulement comme étant les trois nouveaux mousquetaires, Et pas n'importes lesquels, non! Des mousquetaires de compèt; un trio de chic et de choc. La Butch, la Folle et le Trans.
- Ouais, on ferait un tabac a la gay pride.
Les jours passent et s'égrainent, me prouvant que malgré tout, la vie poursuit inlassablement son cours, se moquant bien de savoir nous autres, pauvres mortels, sommes en mesure d'avancer. Ou bien, su à l'inverse, nous restons bloqués sur place, stagnant pitoyablement après une épreuve, un drame insurmontable.
- Dans la vraie vie, il faut tester un paquet de cons avant de tomber sur le bon.
- Et je te crois, car tu est un maitre dans ce domaine... d'ailleurs, si ça avait été une matière au BAC; tu aurais, à a coup sur, décroché la mention "très bien".
Cettte fois, elle est allé trop loin! D'un geste brusque, je déverouille la porte et l'ouvre à la volée. Lui envoyant le battant en pleine tronche, elle crie et recule en portant une main à son nez refait. Mesquin, je me prend à espérer le lui avoir cassé, ça lui fera les pieds! J'avance et me plante face à elle en la fusillant du regard alors que la fureur s'empare de moi, elle a de la chance d'être une femme sans quoi en cet instant, je lui aurais déjà refait le portrait. Elle relève les yeux vers moi et reste bouche bée en me découvrant.
-Qui...qui...êtes-vous?, balbutie-t-elle, pitoyablement.
-Je suis ton fils, Aydan ou si tu préfères, celui qui était jusqu'à présent coincé dans le corps de cette pute de Carmen, je gronde en la toisant de mon mètre soixante-dix-huit.
L'espace d'un instant, elle reste interdite, se contentant de me détailler de la tête aux pieds d'un air ahuri, avant de reculer encore en chancelant.
-Hein? croasse-t-elle. Je...je ne comprends pas.
-C'est pourtant clair! J'ai toujours été un mec coincé dans le corps d'une fille...ta fill, maman. Celle-là même que tu traites de pute!
Après tout, comme César autrefois, je suis venu, j'ai vu et cela ne m'a pas convaincu.
Si je devais me qualifier en deux adjectifs, je choisirais sans le moindre doute: différente et perdue. Ou plus exactement différent et perdu. Mais gardons ce foutu genre féminin le temps des présentations.
Je suis donc différente pour la simple et bonne raison que je ne suis pas née dans le bon corps, je fais, bien malgré moi, partie de cette poignée d'individus qui se sont vus attribuer le mauvais sexe à la naissance.