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Citation de LucD


Luc DRAGONI
Ituango
Ce nom magique résonne encore dans mes pensées
Comme un souvenir d’aventure
Un voyage étrange et merveilleux
Ituango
J’entendrai toujours ton cœur battre
Au rythme de tes Güiros, guitares et tambours
Et moi j’ai envie de te dire
Te quiero
Ton pays n’avait pas bonne réputation
Avec ses cartels, sa cocaïne
Son armée révolutionnaire
Et ses enlèvements
Tout cela m’est bien égal
Cela dépend des yeux avec lesquels on te regarde
Ituango
Toi tu n’es qu’une petite bourgade
Perdue dans les montagnes
Tu n’es pas riche
Le confort, le luxe tu ne connais pas
Mais tes habitants ont un sourire franc
Et un langage indolent
Comme tous les gens de ce continent
L’espagnol vous ne le parlez pas
Vous le caressez
Vous le murmurez
Et puis vous le chantez
Lorsque je t’ai vue pour la première fois
J’ai voulu faire demi-tour
Et repartir
Une route en partie défoncée
Des masures délavées par les pluies tropicales
Des bicoques brûlées par les chaleurs torrides
Et puis j’ai tout de même voulu te visiter
Histoire de ne pas avoir fait tout ce voyage pour rien
A contrecœur je suis entré chez toi
Il n’y avait pas grand-chose à voir
Au bout de ce mauvais chemin
Qui se termine ici
A Ituango
Une vieille église un peu délabrée
A l’aspect vaguement colonial
Du temps où ce pays se nommait encore de ce nom qui fait rêver
Nouvelle Grenade
Un café sordide à l’ambiance surannée
Avec son vieux téléphone accroché au mur
Et sa petite cour pleine de casiers de bouteilles
Un marché ou les pauvres gens vous appellent
Et viennent vous proposer tout ce qu’ils ont
C’est-à-dire pas grand-chose
Jusqu’à la fenêtre du véhicule
Ils exhibent leurs volailles, leurs melons, leurs légumes
Forcément
Un voyageur en automobile
C’est quelqu’un de riche
Qui peut tout acheter
Et ils vous sourient
Gentiment
Amicalement
Sans vous connaître
Simplement parce vous êtes là
Chez eux
Dans leur village d’Ituango

Et puis vint l’après-midi
J’ai eu beaucoup de chance
Ce jour-là il y avait une grande fête
Extravagante
Et complètement folle
Comme seuls ces Latins d'Amérique savent les inventer
Tout le monde devait se travestir
Et ensuite deviner
Et même se courir après
Pour savoir qui se cachait
Sous ces déguisements rapiécés
Avec les rires, les cris et les pétards
Et toujours le son envoutant
De tes Güiros, guitares et tambours
Ce jour-là tout semblait permis
Les hommes arborant machettes
Chapeaux de fleurs et de miroirs
Des masques de célébrités
Jusqu’aux faux policiers
Et les Marimondas moqueurs
Ou les sinistres bourreaux de l’inquisition
Moi qui n’avais rien prévu
Je pris une couverture dans mon coffre
Je perçais deux trous pour les yeux
Et j’étais devenu un fantôme
Tout près de la bourgade
Il y avait aussi une petite montagne
Avec quelques grottes
Les gens se hâtaient pour mieux se cacher
Et le jeu continuait dans l’obscurité
Les rires et les applaudissements résonnaient
Jusqu’à ce qu’il fasse nuit
Et que l’ambiance se calme un peu
Alors un bon plat de Bandera Paisa
Aux saveurs tellement mélangées
Et aux couleurs si vives
Tout comme ce continent
Moi je n’ai reconnu que les morceaux de viande et les haricots noirs
Mais je n’avais déjà plus toute ma tête
Car j’étais bien éméché
Et puis ce café el Tinto
Aussi fort que l’âme de ce pays
Qui m’a dit ne t’endors pas
Reste bien éveillé
Amuse-toi avec nous
Je devais repartir au petit matin
Et je ne t’ai quittée que le lendemain
J’ai dû dormir toute la journée
Et la nuit qui suivit
Sur la banquette de ma voiture
Epuisé mais ravi
Lorsque lentement je me suis mis à rouler
En descendant ta rue principale
Des bouteilles vides jonchaient le sol
Des mégots, des détritus
Et des verres cassés
Cela ne fait rien
Les orages nettoieront tout
La fête était finie
Les relents de bière et d’Aguardiente étaient devenus plus discrets
Et le tabac fort à rouler
Celui qui fait tousser
Avait fini par s’évaporer
Mais moi j’étais toujours ivre
De ton bonheur, de tes parfums, de ton ambiance

Bien des années plus tard
Je pense encore à toi
Ici chez nous tout va très vite
Beaucoup trop vite
On n’a plus le temps de se regarder
Et encore moins de se parler
Alors je prends cette couverture
Que j’avais précieusement conservée
Je sais bien c’est absurde
Si on me voyait faire ça
Mais je suis nostalgique
Et tellement insensé
Les deux petits trous sont restés
Ils sont toujours là
Comme deux fenêtres dérobées
Et je t’observe en cachette
Toi mon Eldorado
Sans Or ni Pierres précieuses
Avec seulement ta gaieté, ton insouciance, ta folie
Et enfin je te vois
Je te retrouve telle que tu étais
Oui toi mon Ituango
Te quiero
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