Luc Germain

Une fois encore, on constate que les élèves écrivent toujours aussi mal mais réussissent parce que la façon dont on les évalue est biaisée.

Dans leur rapport sur les états généraux sur la langue, en 2001, les commissaires déploraient les déficiences, « constantes et qui semblent tolérées par le système », des jeunes Québécois. Toujours selon eux, notre système d'enseignement acceptait encore une maîtrise insuffisante du français et cette situation représentait « la principale menace à la vitalité du français en Amérique ». Qu’a-t-on véritablement changé au réseau de l’éducation depuis ce temps pour assurer une plus grande maîtrise de la langue française? Ceux qui répondront que le renouveau utopique améliorera les choses sont de dangereux rêveurs ou des fumistes.

Si l'on veut comprendre pourquoi l’examen ministériel est laxiste, il faut s’attarder à la philosophie qui règne dans les officines ministérielles. Ainsi, dans un article publié en août 1997, Mireille Brunet, responsable de l’épreuve de français écrit de cinquième secondaire, affirmait qu’il importait de ne pas nuire au cheminement scolaire de certains élèves qui éprouvaient des difficultés depuis le primaire et qui seraient enclins au décrochage à la suite d’un échec : « Il y en a parmi eux qui opteront pour les métiers techniques, et pour qui l’examen n’est qu’une étape de parcours. C’est une responsabilité sociale que de ne pas les décourager. » Pourtant, le but du cours de français est d’enseigner cette langue, à ce que je sache, pas de s’assurer de former des plombiers ou des mécaniciens.

Dans les faits, ce qu’on a appris par la suite dans les journaux, c’est que le MELS a effectivement procédé à des simulations avant de hausser ses exigences quant à l’examen d’écriture afin de s’assurer qu’elles n’aient pas une incidence trop grande sur les taux de réussite. Quand un journaliste demande si on ne donne pas ainsi l’impression que ce sont les taux de réussite plutôt que le niveau souhaitable de maîtrise de la langue qui guident les choix du ministère, Lise Ouellet, responsable du programme de français au primaire et au secondaire, répond : « Il y a une responsabilité sociale quelque part . »

On constate donc que, pour le MELS, la maîtrise de la langue est un concept à géométrie variable : on tolère que vous soyez analphabète fonctionnel de la première à la quatrième secondaire, mais sachez écrire un peu mieux en cinquième!