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Citation de AuroraeLibri


« Théodore, dernier descendant d’une longue et riche lignée d’apothicaires, avait réussi l’incroyable tour de force d’engloutir la fortune familiale dans une collection d’ouvrages hors du commun. De la cave aux combles, il ne se trouvait point de pièce dont l’un des murs ne disparût pas derrière un enchevêtrement de rayonnages ployant sous leur fardeau. Les livres jonchaient même le sol en une anarchique succession d’empilements, qui s’interrompait par endroits pour permettre le passage, à la manière des eaux s’ouvrant devant Moïse. Un bon millier de manuscrits s’entassaient donc pêle-mêle, et il eût été impossible à quiconque d’en retrouver un seul sans se référer au Grand Cahier, sorte de codex d’apothicaire dans lequel Théodore consignait toute nouvelle acquisition. Car derrière le chaos apparent régnait un ordre certes très personnel, mais qui n’en était pas moins rigoureux. Chaque pièce de la demeure n’abritait que des recueils traitant d’un même thème – ainsi par exemple, tout ce qui concernait la théologie se trouvait sous les combles, tandis que les ouvrages de médecine étaient consignés au rez-de-chaussée – et le mur de chaque pièce permettait une subdivision supplémentaire. Quant aux livres restant à terre, il s’agissait pour la plupart d’écrits inclassables ou, il fallait bien le reconnaître, en attente d’agencement. Depuis bientôt quarante ans, Théodore achetait donc et lisait, poursuivant inlassablement une chimère tout aussi insaisissable que la pierre philosophale des alchimistes ou le Saint-Graal des chrétiens. Peut-être même davantage encore, puisque cette chimère était insaisissable jusque dans sa nature même. Elle se réduisait à un vague idéal ayant naguère jailli dans le cerveau d’un jeune étudiant parisien empli d’exaltation. »

Chapitre III
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