Citations de Luis Mizón (137)
Une cicatrice
traverse mon visage
elle remonte le coin de mes lèvres
une blessure
en forme de cri
et d'oiseau invisible
vole sur ma tempe droite
dort sur mes yeux
chante sur ma bouche
Comme les marins sur le pont de leurs navires écoutent le bleu
comme des vieux oncles retraités et secrets
écoutent l’allegro sostenuto des cigales
les oliviers m’ont appris
à écrire mes poèmes avec mes larmes
sur les pierres chaudes et plates de mon chemin
ils s’évaporent toujours avant d’être terminés
des petites choses modelées dans l’urgence de vivre
je ne suis que la maison de mes paroles
elles voyagent avec moi
sans demander ma permission
ni me dire où elles vont
mon vaisseau est un poème
je ne suis qu’un vers
Vends-moi ton chagrin
de ces grappes si tristes je ferai du vin
je prendrai même une poignée
de mûres sauvages pour donner
du goût à tout le reste
pendant que l’araignée verte
fait ses comptes
cachée derrière son boulier
j’achèterai tout ce que je vois de beau
et de triste en toi
la voile de ton rire
le silence de ta cave
la lumière qui tombe
en gros rayons de miel
sur l’escalier de pierre
qui descend vers nulle part
je ne discuterai pas le prix
il sera toujours à mes yeux
dérisoire
je respire la nudité de l’oubli
son odeur monte à mes narines
et
il
m’est
délectable
le linge danse à la fenêtre
l’armoire danse avec le vent
j’écrase sur le mur
le minuscule corps du délit
où se cache le temps
Caresse-moi de tes doigts
Toi qui récoltes les algues
Approche tes mains
Je veux respirer ton rêve
L’amour de la lumière…
L’amour de la lumière
nous rend transparents.
Homme et chardon amour et infortune.
Le cœur est une tache
sous les décombres de la voix rêvée.
Viens
à ta fragile forteresse
de papier et de brise
papillon de mer et de chemin.
Sel de lumière
ombre dorée
feu de poussière
pollen vivant.
Ceci est ta maison.
Fleur d'un jardin abandonné
poisson doré qui s'enfuit dans la rivière
ton regard
et ton sourire habitent
encore mon coeur fermé à double tour
Arbre
5
Midi éclate
la pierre ouvre ses racines.
Géométrie de la flamme
soulevant des dalles d’ombre
inquiétant la perspective
confondant tunnels et ponts
séchant le bois les battements du cœur
dénudant les tambours
du sexe et de la peau :
La ville du Sud vit menacée.
//Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
14
Dans la lumière de nos conversations
certains mots arrivent en retard
ils le font exprès
ils m’attendent en cercle
loin d’ici
au bord des trous noirs de l’espace
que j’appelle
les étangs noirs de l’oubli
je marche par un chemin cerné de blancs poteaux
je suis seul en pleine campagne
j’écoute un ruisseau de pierres tatouées par les mystères
de la menthe
je respire les ronces
l’odeur cachée de la menthe et du pouliot
je suis de retour
mes mots sont comme des animaux vivants
ils me voient arriver
ils m’approchent
ils attendent mes caresses
ils veulent me consoler
comme moi je les console
Brise-lames
femme des eaux marines
je plonge mon bras
dans tes dentelles blanches
et je touche ton horizon de coton
dénudée
les mains sur la nuque
tu te moques du vent
et de ses caresses aveugles
mais le vent
comme la vague qui vient
te touche de sa langue verte
Le songe du figuier en flammes
Pour Anne-Lise Bénard
et Claude Couffon
I
6
Ultime frontière
où le vent se peigne.
Balcon avec des tresses.
Femme du port.
Je ramasse des plumes d’anges démuni.
Du fumier d’éclair.
Des livres d’occasion.
Jeu de lumière
dans le miroir si réduit de mon ongle.
Je ne sais de qui je m’éloigne
ni de qui je me rapproche.
Ame en feu
et yeux fermés.
/Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
III
3
Les feuilles de l’eucalyptus
à peine calmées
te content à l’oreille
un rêve moribond
qui renaît dans sa tristesse fertile.
Traces murmurant solitaires.
III
1
Quel secret nous conte
la blancheur du mur
et hors de portée
dans le dernier dédain des coins de rues,
la ville ouverte et la mer inattendue ?
L’eau des terres irriguées
engendre des orages minuscules.
Un cheval barbu se cabre
sur deux pattes de poussière et d’ombre verte.
Yeux de faïence,
crins bleus,
flammes hérissées qui ne brûlent.
Un conte taché par l’oubli.
Un paysage titubant.
Un grenier de rumeurs.
Terre prochaine
23
Extrait 3
Il faut
éloigner de la main
la frêle toile d’araignée de tes pas
de tes cris et de tes gestes
pour retrouver une autre fois
la tentation du navigateur :
les câbles détachés
l’étoile qui déchire l’horizon
l’image de la rose des vents
ardent sur le parchemin des plages.
//Traduit de l’espagnol par Claude Couffon
Par la porte ouverte
entre l'odeur de midi
le linge sec danse dans le vent
à peine jaillies
tes paroles approchent sur la pointe des pieds
et m'embrassent
Combien le vent est discret
quand il le veut
il était là dans la forêt
et le voilà déjà parti
pour nous laisser écouter
ce qui chuchote en son absence
II
9
Les nuages ressemblaient à du raisin noir.
Grappes sur le front
d’une figure de proue.
Une treille
où grimpent les glycines.
Une Ford rouge cerise.
Mil neuf cent quarante-cinq.
Elle sortait lentement de l’éclipse.
Des visages de cuivre à la fenêtre.
Des flaques de pluie verte et un arc-en-ciel.
Le néon resplendissait.
Toute la tristesse était calomnie.
arbre immense de mon enfance
escalier en colimaçon
spirale de lumière
clouée entre ma voix
la galaxie
et la nuit tatouée
d'un soleil inconnu