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Citation de Charybde2


J’ai atteint mon objectif au milieu de l’après-midi, après une bonne heure de marche. J’avais évité la pluie, mais le ciel n’avait cessé de s’assombrir. Sur ma droite, la mer avait changé de couleur, elle aussi. Je l’ai encore longuement admirée, puis je me suis concentré sur la tâche que je devais accomplir. On m’avait assuré que rien ne me ferait obstacle, et que, une fois entré dans la propriété qu’une épaisse haie de troènes cachait au regard, je pourrais commencer mon travail sans que personne ne s’interpose ou vienne me demander des comptes. Au milieu des troènes, il y avait un portillon de fer. Je l’ai poussé et je me suis trouvé en face d’un pavillon en bois à un étage, dont les planches extérieures n’étaient pas dégradées, même si la laque qui les couvrait, à l’origine couleur de miel, avait bruni au fil des années. C’était une villa dépourvue de caractère, mais moins délabrée et plus grosse que les bicoques du voisinage. Le rez-de-chaussée était légèrement surélevé, ce qui avait permis de construire un porche avec deux ou trois mètres carrés de terrasse. Sur la droite, une remise minuscule s’adossait à la haie, avec un auvent qui abritait une vieille banquette de voiture. Sur la gauche on voyait un portique avec une balançoire. Derrière, il y avait la mer. Le terrain alentour n’avait pas été entretenu depuis longtemps et il était envahi de plantes sauvages, dans ces variétés laides et désordonnées qu’on rencontre sur les côtes, près des dunes, sur des sols salés par les embruns. Des perce-pierre, des bugranes rampantes, des betteraves maritimes et des choux marins aux feuilles épaisses, des euphorbes, des crambes, s’il faut en croire les manuels de botanique. La maison se tenait là, inintéressante et comme sans histoire, au milieu de cette végétation désolante. L’image aurait pu être banale s’il n’y avait eu le détail insolite de la guirlande tibétaine. Je savais déjà que je ne m’étais pas trompé, on m’avait fourni des indications précises : la dernière bâtisse sur la route de la côte, une haie de troènes, un étage, trois ou quatre marches devant la porte d’entrée, une petite terrasse sur la façade principale. Les guirlandes n’avaient pas été mentionnées, mais elles ne faisaient que confirmer que j’étais au bon endroit. Entre les colonnettes qui soutenaient l’appentis, au-dessus et en travers du seuil, quelqu’un avait accroché une série de fanions tibétains sur lesquels étaient imprimés des images religieuses, des animaux bénéfiques, des prières.
Ici, quelqu’un avait ressenti de la peur.
De la peur, une frayeur venue des abysses, une frayeur sans mesure.
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