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Citation de Partemps


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Le garçon de noce se frappa la poitrine ;
mais il ne put s'empêcher d'écouter,
et ainsi continua le vieil homme,
le marin à l'œil brillant :
— Bientôt il s'éleva une tempête violente, irrésistible.
Elle nous battit à l'improviste de ses ailes
et nous chassa vers le sud.
Sous elle, le navire, avec ses mâts courbés et sa proue plongeante,
était comme un malheureux qu'on poursuit de cris et de coups,
et qui, foulant dans sa course l'ombre de son ennemi,
penche en avant la tête :
ainsi nous fuyions sous le mugissement de la tempête
et nous courions vers le sud.
Alors arrivèrent ensemble
tourbillons de brouillard et de neige,
et il fit un froid très vif.
Alors des blocs de glace hauts comme les mâts
et verts comme des émeraudes
flottèrent autour de nous.
Les interstices de ces masses flottantes
nous envoyaient un affreux éclat :
on ne voyait ni figures d'hommes, ni formes de bêtes.
La glace de tous côtés arrêtait la vue.
La glace était ici, la glace était là,
la glace était tout alentour.
Cela craquait, grondait, mugissait et hurlait,
comme les bruits que l'on entend
dans une défaillance.
Enfin passa un albatros :
il vint à travers le brouillard ;
et comme s'il eût été une âme chrétienne,
nous le saluâmes au nom de Dieu.
Nous lui donnâmes une nourriture
comme il n'en eut jamais.
Il vola autour de nous. Aussitôt la glace se fendit
avec un bruit de tonnerre,
et le timonier nous guida à travers les blocs.
Et un bon vent du sud souffla par derrière le navire.
L'albatros le suivit, et chaque jour,
soit pour manger, soit pour jouer,
il venait à l'appel du marin.
Durant neuf soirées,
au sein du brouillard ou des nuées,
il se percha sur les mâts ou sur les haubans,
et, durant toutes ces nuits,
un blanc clair de lune luisait
à travers la vapeur blanche du brouillard.
— Que Dieu te sauve, vieux marin,
des démons qui te tourmentent ainsi !
Pourquoi me regardes-tu si étrangement ?
— C'est qu'avec mon arbalète, je tuai l'albatros.
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