Madeleine Chapsal

"Jamais je ne me suis dit que je serais peintre. C'était bien au-delà de mes aspirations. Mon père aimait tant la peinture, il m'emmenait au musée, oh, voir des tableaux on ne peut plus classiques, les Impressionnistes, Van Gogh, il allait jusqu'à Modigliani, mais pas au-delà. Et il me racontait leurs vies d'artistes. Des vies tragiques. Celle de Van Gogh, en particulier. Ces gens-là n'étaient pas reconnus de leur vivant. Avant de mourir, Van Gogh n'a vendu qu'un seul tableau. Pourtant, c'étaient des génies. Leur vision du monde a changé le monde, peut-être plus encore que les inventions de la science... Il me citait des phrases, qu'il savait par cœur, de la correspondance de Van Gogh avec son frère Théo. Et Courbet persécuté, obligé de fuir Paris... Tant d'autres, considérés comme des maîtres sur la fin de leur vie, mais après avoir mangé de la vache enragée pendant tellement d'années..."
En fait, c'est à Pierre que son monologue s'adresse. Comme si elle préparait ce qu'elle aurait envie de lui dire s'il la laissait aller jusque-là ? En ce cas, elle continuerait sur la lancée...