Les jours suivants furent bien remplis. En plus de mes petits travaux habituels, le Club absorba une bonne partie de mon temps que je consacrai entre autre à l’hôpital et à des collectes en faveurs de la Croix-Rouge dans un cinéma du quartier.
Mais ce fut surtout Joyce qui m’occupa. Au magasin, cela marchait mieux que je ne l’avais espéré. En revanche, son désordre dans l’appartement me rendait à moitié folle.
Si j’avais été moins harassée, j’aurais prêté plus d’attention à ce qui se passait chez les épouses éplorées. En fait, il ne me vint pas tout de suite l’idée d’attribuer à une cause systémique les incidents qui se produisaient. Je ne sus y voir qu’un malheureux concours de circonstances toutes fortuites.
C’est ainsi que, par exemple, je reçus la visite impétueuse de Pinkey à la librairie. Elle entra en coup de vent un lundi matin et annonça que quelqu’un lui avait volé les lettres de Donald Alderson.
Lorsque je rentrai chez moi un peu avant 7 heures, le téléphone était en train de sonner ; en fait, il n’avait probablement pas cessé de tout l’après-midi. Je décrochai le récepteur et, sans répondre, je gagnai la salle de bains pour faire un brin de toilette avant le dîner.
Le timbre de la porte d’entrée retentit un peu après. Je m’essuyai rapidement les mains et poussai le bouton. Méfiante comme tous les new-yorkais, je me penchai sur la rampe.
- Qui est là ? criai-je.
C’était Joyce Peters. Elle montait l’escalier, chargée de deux grandes valises.
- J’ai téléphoné mais on ne m’a pas répondu, expliqua-t-elle. (Elle déposa ses bagages, et reprit haleine.) J’espère que vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que j’emménage maintenant ?
- Mais non, pas le moins du monde, répliquai-je en mentant effrontément, car j’avais compté sur une dernière nuit de tranquillité.
Nous entrâmes dans l’appartement et Joyce jeta un coup d’œil autour d’elle dans le vestibule.