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Critiques de Marc-Antoine Pérouse de Montclos (6)
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L'Aide humanitaire, aide à la guerre ?

L’action humanitaire a donné lieu, depuis une vingtaine d’années, à une abondante littérature. Deux traits la caractérisent. C’est d’une part l’œuvre prolifique d’acteurs engagés qui apportent leurs réflexions. Il n’est quasiment pas un des acteurs majeurs de la « saga » Médecins sans frontières – Médecins du monde qui n’ait publié son témoignage : de Bernard Kouchner ("Charité Business", 1986) à Rony Brauman ("Humanitaire le dilemme", 1996) en passant par Jean-Christophe Rufin "(Le piège humanitaire", 1986) ou Alain Destexhe ("L’humanitaire impossible", 1993). On pourrait d’ailleurs s’interroger sur cette prolixité : désir de rendre compte d’une expérience marquante voire traumatisante ? Déception à l’égard d’une mystique qui, pour paraphraser Péguy, s’est dévoyée en politique avec son lot de compromissions ? Liberté de parole que les diplomates et les fonctionnaires de l’ONU, tenus par le devoir de réserve, ne possèdent pas ?



La seconde caractéristique de ces ouvrages est d’exposer à l’envi les « dilemmes moraux » de l’humanitaire. Jean-Christophe Rufin, qui n’avait pas encore reçu le Prix Goncourt, le présentait sous une forme romancée dans « Les illusions perdues » (Prix Interallié 1999) : face à l’homme souffrant et affamé, dont la vie constitue le bien suprême, faut-il envers et contre tout soigner et nourrir ? Ou peut-on au contraire envisager froidement « de laisser mourir un enfant plutôt que de vouloir le soigner à tout prix, au risque de nourrir les combattants et de permettre le massacre de … dix autres enfants » (p. 182) ?



Marc-Antoine Pérouse de Montclos ne travaille pas dans une organisation humanitaire. C’est un universitaire qui connaît bien la Corne de l’Afrique (on lui doit une remarquable étude sur « Les déplacements forcés de population en Afrique de l’Est » dans l’Annuaire 2000 de l’Afrique Orientale (L’Harmattan/CREPAO/IFRA)). Cela ne l’empêche pas, lui aussi, de se livrer à une critique en règle des effets néfastes de l’aide humanitaire. Sa thèse est simple, sinon simpliste : « La distribution des secours entretient toujours des « liaisons dangereuses » avec la guerre et contribue, à sa manière, à alimenter les conflits » (p. 14).



Dans les quatre premiers chapitres, l’auteur montre que l’aide humanitaire, souvent détournée, nourrit les belligérants. Il se livre, à partir de l’exemple bien documenté des camps kenyans de Kakuma et de Daadab, à une étude de cas sur les camps de réfugiés, qui sont autant de « sanctuaires » (p 30) pour les rebelles en armes. Il montre aussi comment guérillas et rebellions se sont dotées de « vitrines humanitaires » pour capter l’aide humanitaire.



L’auteur décrit ensuite comment les humanitaires, pour éviter ces dilemmes, ont cherché des parades : dans la mise en œuvre d’un droit humanitaire d’ingérence, dans la prévention des conflits par l’imposition d’embargos ou la menace de poursuites pénales ultérieures. Malheureusement, ces parades sont sans effet et l’aide demeure confrontée au risque d’être instrumentalisée.



La critique de Marc-Antoine Pérouse de Montclos n’est toutefois pas aussi radicale qu’on pourrait le croire. Il ne souhaite pas jeter le bébé avec l’eau du bain, mais appelle les ONG à plus de transparence. Elles devraient, selon lui, se poser la question politiquement fort incorrecte, de la nocivité de leur intervention et, partant, celle de l’utilité de leur départ. MSF, que le comité Nobel n’a pas couronné sans raison, est peut-être la seule, grâce à son indépendance financière, qui ait osé plier bagage, au Burundi ou en Corée du Nord. « Il faut savoir dire Stop » (p. 187).
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Une guerre perdue, la France au Sahel

Une étude brillante sur un sujet d'actualité et qui malheureusement témoigne des dessous sombres des liens entre la France et le continent africain alors que l'enjeu (la lutte contre le djihadisme et ses mouvements radicaux au Mali) est d'importance.

L'oeil averti et expérimenté de l'auteur nous offre un éclairage nouveau et pertinent sur un scandale et enlisement prévisibles.
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Les humanitaires dans la guerre - Des idéaux ..



L'action humanitaire entretient avec la guerre des liens étroits. C'est sur les champs de bataille avec Henry Dunant et la Croix-Rouge qu'elle est historiquement apparue pour porter secours aux victimes des conflits armés. Elle se prétend neutre, uniquement animée par le souci de sauver des vies. Mais elle contribue aussi, à son corps défendant, à alimenter les conflits par divers canaux.

Lorsqu'elle est détournée, l'aide alimente les réseaux parallèles de l'économie de guerre (comme en Ethiopie en 1984) ; lorsqu'elle atteint ses destinataires, elle décharge les belligérants de leur obligation alimentaire ou médicale et leur permet de se concentrer sur la poursuite des hostilités (par exemple au Sri Lanka). La constitution de camps de réfugiés offre parfois un sanctuaire à des rebelles en armes : c'est le reproche adressé à l'opération Turquoise au sud-ouest du Rwanda en 1994. En protégeant les victimes, l'action humanitaire désigne souvent, fût-ce implicitement, leurs agresseurs. Le manichéisme qui la guide fait mauvais ménage avec la complexité de responsabilités partagées, comme le montrent les théâtres ougandais ou soudanais. Enfin, elle a souvent un impact sur les opérations militaires en cours, retardant la défaite d'un camp (comme au Biafra en 1968) ou permettant à un autre de remporter la victoire (l'indépendance sud-soudanaise en 2011).

L'intervention humanitaire n'est pas neutre non plus du point de vue des bailleurs. Elle leur fournit, malgré qu'elle en ait, l'excuse d'une diplomatie par procuration, sur des théâtres où les chancelleries n'osent pas ou ne peuvent pas intervenir : en Somalie, dans l'est du Congo, au Darfour … Elle est surtout financée par eux en fonction de leurs priorités stratégiques. Ainsi l'aide humanitaire américaine bénéficie-t-elle aux alliés les plus fidèles et pas aux pays les plus nécessiteux.

Les humanitaires ont pris la pleine mesure des effets pervers de leurs interventions. Les plus courageux recommandent parfois le retrait. Mais l'auteur souligne combien cette lucidité est rare (MSF s'est ainsi retiré de Corée du nord en 1998 après avoir tiré les conclusions de son instrumentalisation par le régime). Le plus souvent, les humanitaires préfèrent continuer à sauver quelques vies - au risque, par leur présence, d'exacerber un conflit qui en détruira beaucoup d'autres. Ce court-termisme, qui n'est pas sans puissantes justifications morales, est nourri par le fort taux de rotation des humanitaires et l'insuffisante capitalisation d'expérience.

Un autre volet de la question est le recours, par les humanitaires eux-mêmes, à des moyens militaires pour arriver à leurs fins. Il ne s'agit plus (comme dans le jus in bello) d'analyser le comportement des humanitaires durant les conflits mais (comme dans le jus ad bellum) d'apprécier la légitimité du recours à la force.

Droit humanitaire d'ingérence, sécurité humaine ou responsabilité de protéger sont autant de concepts contemporains forgés pour justifier des « interventions d'humanité » comme le XIXème siècle en a déjà connu (en Grèce en 1828, au Liban en 1860). Aujourd'hui comme hier, le recours à la force n'est jamais moralement pur. Le souci de sauver des vies est toujours conjugué à des priorités stratégiques plus ou moins prégnantes. Dès lors, les questions posées par l'association des humanitaires aux opérations de maintien de la paix ne sont pas si inédites. Marc-Antoine Pérouse de Montclos s'inscrit en faux avec le concept, à la mode, des « urgences complexes » apparu dans les années 1990. Son livre a le mérite de replacer ces questions dans le long terme historique. Les urgences humanitaires en Russie dans les années 20 ou au Biafra dans les années 60 n'étaient pas moins complexes que celles que rencontrent les humanitaires aujourd'hui au Darfour ou en Birmanie.

C'est là peut-être le plus grand intérêt de ce livre, écrit par un universitaire à l'impressionnant encyclopédisme. Les questions qu'il présente ont surgi durant les années 90. Alors que la fin de la guerre froide faisait naître l'espoir, vite déçu, d'un nouvel ordre mondial, les humanitaires avaient interrogé leurs pratiques avec un scepticisme croissant. Jean-Christope Ruffin décrivait « Le piège humanitaire » (Lattès, 1986), Alain Destexhe « L'humanitaire impossible » (Armand Colin, 1993) et Rony Brauman « Humanitaire, le dilemme » (Textuel, 1996). Puisant dans une impressionnante bibliographie, pour l'essentiel anglo-saxonne, et reposant sur une approche historique qui relativise les difficultés du temps présent, l'ouvrage de Marc-Antoine Pérouse de Montclos a le mérite de prendre du recul sur ce débat toujours d'actualité.
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L'aide au tiers-monde, à quoi bon ?

Ce court essai fut tiré d'une conférence remontant à 2004, dont les intervenants, Sylvie Brunel, Pierre Kipré et Marc-Antoine Pérouse de Montclos, sont tous reconnus pour leurs travaux ou réflexions sur l'Afrique contemporaine.



La question débattue est celle de la pertinence de l'aide humanitaire en faveur des pays les moins développés, et dans quelle mesure cette aide leur permet (ou non) une impulsion pour leur développement. La structure retenue est une sorte d'interview de chacun des intervenants, suivie d'un débat mené par Alain Houziaux.



Sylvie Brunel revient sur la genèse après-guerre de l'aide publique au développement, et sur ses fluctuations philosophiques et leur application économique, elle rappelle également les risques de se substituer à un Etat dès lors privé (avec ou sans consentement) de ses obligations régaliennes, et souvent gangrené par la corruption. Sa proposition de choisir les bénéficiaires selon des critères précis, et de mettre en place des "CDD", des contrats de développement durable, qui engageraient à la fois le bénéficiaire et le bailleur, est intéressante, bien que peu novatrice.



J'en ai plus appris sur les différences entre aide publique et aide privée et les prêts à intérêts extrêmement élevés qui se cachent sous l'appellation "d'aide", mais qui recèle parfois d'une réelle logique de rentabilité. L'éclairage apporté sur les pays ayant le plus bénéficié de l'aide, et sur les sommes remboursées par rapport aux sommes prêtées, est également bienvenu, et l'on se demande ce qu'il en est aujourd'hui.



Enfin, Marc-Antoine Pérouse de Montclos, dont j'avais déjà lu l'ouvrage l'Afrique, nouvelle frontière du djihad ?, revient sur la difficulté d'apporter de l'aide dans des zones de conflit sans venir en aide même indirectement à un des deux belligérants, réduisant par là-même l'éventualité d'une paix rapide. Loin d'être circonscrites à l'Afrique, ces thèses reprennent aussi des exemples des deux Guerres mondiales, et fournissent une synthèse concise mais éclairante des problématiques de l'aide et de ses acteurs, qui forment désormais un groupuscule économique à part-entière, avec ses logiques compétitives et stratégiques.



Profondément déprimant, ce petit essai a le mérite de poser la houleuse question du bien-fondé de l'aide, et de la nécessité qu'il y aurait dans certains cas à n'apporter aucune aide pour que le conflit cesse plus rapidement, plutôt que d'en apporter et de permettre aux belligérants de se concentrer uniquement sur la guerre.



Éclairant, malgré sa quinzaine d'années !
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L'Afrique, nouvelle frontière du djihad ?

Voici un excellent ouvrage qui, malgré l'opinion parfois affichée de son auteur, décrit précisément les ressorts du djihadisme en Afrique et les différences monumentales qui le séparent du djihadisme du Moyen-Orient.

En reprenant le contexte historique et géopolitique du continent africain, l'auteur énumère les différentes situations et expose clairement l'enchevêtrement entre situation politique et abus des militaires africains et l'essor de groupes proclamés djihadistes qui ont souvent des revendications bien plus précises et complexes que l'instauration d'un califat global.

Commentant les différentes interventions occidentales en Afrique, Marc-Antoine de Montclos dresse un bilan de ces dernières et nous rappelle que le terrorisme n'est pas apparu il y a seulement une vingtaine d'années, et qu'il faut parfois relativiser son importance actuelle au risque de la surestimer et de tenter d'y apporter une réponse disproportionnée qui ne peut qu'échouer.

J'ai été ravie d'en découvrir plus sur le Soudan et sur des pays francophones tels que le Sénégal, le Burkina Faso, le Tchad ou encore le Niger quand les discours actuels ont tendance à se focaliser sur le Mali et le Nigéria, oubliant les mouvements de guérilla qui se replient d'un pays vers un autre et qui sont en général bien plus "transfrontaliers" que dans d'autres régions du monde.

Un ouvrage clef à s'empresser de lire!
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Un Djihad Sans Foi Ni Loi

Marc-Antoine Perouse de Montclos est un des rares chercheurs dont j'ai une grande confiance quand il écrit sur le sahel et surtout quand il écrit sur la région du lac Tchad. Il quitte son bureau pour parler avec les acteurs sur le terrain. Il ne craint pas de prendre la route moins fréquentée. Il comprend, comme les gens qui viennent du sahel, que l’instabilité ne vient pas nécessairement des groupes djihadistes, mais les groupes djihadistes existent souvent parce-que les conditions politiques actuels les nourrissent. Qui veut un Sahel stable ? A part du citoyen lambda, la réponse est très nuancée.
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