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Citation de Partemps


Oui, c’est un miracle, un événement magnifique qui ne dure que quelques jours, et pendant ces quelques jours chaque fois qu’il admire les cerisiers il prie pour l’âme des disparus, il pense à son père, à son neveu, à tous ceux qui sont morts depuis des millénaires, à ceux qui hélas mourront encore pendant des millénaires puisque la règle ici-bas est de céder sa place après un temps donné, la règle folle de l’humanité c’est chacun son tour. Au moins, pendant cette petite semaine des sakura, pendant la floraison des prunus, le temps ferme sa boucle et les vivants cèdent un moment leur place aux morts, une petite poignée de vivants se recueille pour permettre à des milliards de morts d’aspirer quelques bouffées d’air frais. Les disparus ressuscitent sur les branches des arbres et jouissent du soleil et du ciel. Puis le vent, lentement, rend leur âme à la terre : les fleurs tombent.

Lorsqu’il n’y a eu ni vent violent ni pluie, ou lorsque le cerisier est dans un endroit abrité, et Ozu connaît plusieurs de ces endroits, dans des jardins à Tokyo, ou près de son auberge favorite plus au sud, les fleurs ne chutent que le jour où elles sont fatiguées. Il reste longtemps assis sur le pas de la porte, sous l’auvent de l’auberge, à regarder les fleurs tomber une à une, en pluie lente et régulière, pluie de perles disait l’écrivain français, petites averses de neige épisodiques en plein printemps, et s’il osait il irait s’asseoir sous l’arbre pour avoir le visage baigné par les fleurs, mais il y sent un sacrilège, les fleurs doivent rejoindre directement le sol, la brise les accompagne, les aide à rejoindre la terre où se mêlent depuis toujours les cendres des disparus, la vie vient de la poussière et elle revient à la poussière.
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