Finalement, je prends rendez-vous, par un soir d'hiver froid et sans pitié, rue Bachaumont au centre Scannermachintruc. Il faut attendre. J'essaie de déceler sur les visages qui m'entourent les strates d'une maladie incurable, un abandon, quelque chose qui me ferait sentir en meilleure forme, quoi. Mais non, chacun affiche un masque impénétrable. Deux jeunes filles pouffent dans un coin, ignorantes du tragique de la situation. Enfin mon tour arrive et on me propulse à moitié nu sous le grand arceau. Que va-t-il sortir de tout ça ? Je n'ai plus besoin de geindre devant l'opérateur, je suis liquéfié, petit garçon, maman bobo. Je m'allonge, pas bouger. L'engin se met en branle. Alors, en fermant les yeux, je vois brusquement tous les pires moments de ma vie défiler en accéléré. Et, comme dirait Woody Allen, ils défilent dans une voiture d'occasion. C'est ça le pire, une vie dominée par un crédit à onze pour cent qui parade dans une Clio accusant cent mille bornes au compteur. Faut avoir des ressources pour survivre à ça.