Lecture
Semur, Bourgogne, en cette seconde moitié du XIXe siècle est une jolie petite ville avec son quartier médiéval, sa cathédrale et sa ceinture de remparts.
Martin Dupin, le maire, est le témoin désabusé de la désagrégation des mœurs de ses concitoyens et du manque de respect envers la religion, même si lui-même n'est pas très pratiquant.
Un matin, le soleil ne se lève pas sur Semur. Une foule immense et invisible envahit les rues. Ce sont les morts qui viennent chasser les vivants de cette ville. Car eux savent ce que c’est vraiment que la vie. Ils s'installent donc intra-muros, tandis que les anciens habitants de chair font le siège aux portes des remparts.
Avis
Ce livre est l'œuvre de Mrs Oliphant, plus connue pour ses livres d'éducation et ses romans écrits en grande quantité dans les styles les plus divers du XIXe siècle. Tout le livre est empreint de la morale, de la sévérité de l'époque : aux hommes le travail ; aux femmes la religion ; à l'élite la connaissance, au peuple la vulgarité ; aux hommes de bonne volonté le pouvoir de s'élever au-dessus de la masse.
Le style lui-même est très caractéristique de cette époque, notamment dans l'utilisation savante de la concordance des temps imparfait et passé. Cela donne un goût suranné et une vraie vigueur au texte. Il est assez court et construit comme un rapport écrit a posteriori par plusieurs intervenants, ceci afin de récupérer toutes les opinions en présence. Cette forme est assez moderne (c'est dans le fond, la même que celle du roman , « Qu’a-t-elle vu la femme de Loth » un de mes coups de coeur récents ). Cette modernité de construction, à défaut de celle du langage, se double de la modernité du traitement de la venue des morts. Pas de manifestations spectaculaires, pas de cadavres putréfiés claudicants, mais une brume étrange, une sensation de foule, des multitudes muettes, une masse invisible et indicible, une lumière sans vie, une pénombre perpétuelle qui baigne dans un brouillard digne de « Fog » de Carpenter.
Bien sûr la morale date, bien sûr la condition de la femme du XIXe siècle y est vantée, bien sur le manque de religion y est fustigé et les références biblique sont nombreuses : « si Ninive ne se repend pas, elle sera détruite » (Jonas) ; les édiles s'endorment pendant que le maire pénètre dans la ville comme au Mont des oliviers ; on ne peut servir Dieu et l'argent .... Mais parmi tous ces éléments qui ont sans doute rendu ce livre politiquement correct à sa parution, on sent une critique à peine voilée de l'hypocrisie de la société. Le rôle de la femme dans ce qu’elle a de profond et d’humain, de sensuellement vivant, l'ode à l'honnêteté et à la tolérance sont omniprésents. Par-dessus tout, ce livre fustige les faux-semblants.
Le fait de présenter les faits, ou plutôt leur ressenti par les protagonistes, puisque les faits sont ici tout saufs rationnels, permet en outre d'ajouter des études intéressantes sur le caractère des personnages.
Les textes mis en avant en introduction, notamment la préface de Maurice Barrès, sont très intéressants. Ils montrent qu'un texte peut toucher intimement et durablement un lecteur reconnu et rencontrer un piètre succès public.
Cette façon de traiter le fantastique, disant suffisamment pour que les images se créent mais disant assez peu pour ne pas imposer sa vision au lecteur, est de loin ma favorite.
Conclusion:
Bien que moralisateur de façon désuète, ce livre écrit dans une langue d'une autre époque, riche et parfaitement construite, comporte quelques éléments de modernité qui m’ont fait l’apprécier.
Ma note : 14/20
Lien :
http://www.atelierdantec.com..