Pour l'enfant, les mots sont des choses à peine moins pondérables que les autres choses situées dans la pondérabilité. L'univers des mots et l'univers tout court se présentent à lui avec le même resplendissant visage. Ce n'est que plus tard qu'il sera contraint, partiellement ou totalement, à décoller des choses leur Ombre essentielle et qu'on lui intimera de vivre soit en manuel, soit en intellectuel, soit en fou.
S'il est un fou, c'est bien la femme. Pourtant, elle avait aussi commencé par aimer les mots autant que la fillette aime son pavé de marelle. Mais par le suite, soumise en servante aux soins ménagers et au nettoyage des enfants, elle n'a pu connaître de la pensée, dans la mesure où cette dernière dépend des mots, qu'un chapitre si restreint que l'univers y est amputé à quatre vingt quinze pour cent. N'y a-t-il pas de quoi devenir fou, gaga, sénile à vingt ans ? Ecoutez-les, regardez-les, les ménagères, les midinettes...
Ou bien, se croyant enfin émancipée, elle a eu accès aux Ecoles où on l'a entonnée d'un langage dans lequel tout, verbes et sujets, étaient, explicitement ou de façon détournée, au masculin. C'est alors, devenue folle, qu'elle a cru pouvoir se faire homme, égaler ses maître en adoptant leur grammaire et leur syntaxe, leurs modes et coutumes intellectuelles. Complètement aliénée d'elle-même, de sa nature véritable qui aurait pu sécréter pour elle-même la seule explication appropriée du monde, sans le savoir la Femme s'est transformée en ce Sexe Fou que d'aucunes ont nommé Deuxième.
En plongée dans les attentes
À la table du café
Les paroles contenues
Disent le dehors des femmes
Talons fins, robes noires
Un planeur descend des yeux
Le repas, heure légale
Assène son cliquetis
Par un trou de porte ouverte
Barreau de fer midi coupe
L’ombre en loques des auvents
Vêtus de bleu unanime
Les passants cherchent le soir
L’Oiseau c’est trop
L’accent sur le mot ciel par mégarde
N’a même pas glissé au parapet où l’oiseau
-toujours sans nom-sifflote entre
deux silences. Comment faire sans livre
pour nommer, dessiner sur la paroi leurs
mécaniques de plumes vertes ? bleues ?
bleuvertes ? Le noir n’est que du gris
la mouette et son œil bouton
deviendra plus tard une bottine
Comment approcher du jeune né qui se
Cogne sur la pierre, l’ouvrier l’imitera
Sur son théâtre de planches
….
Flocons noirs
De là-bas et si haut tout est oie
Mais tout n’est pas cygne
Les nuages tombèrent en suie
Un jour où nous avions gobé l’œuf
Entrées dans une maison à terre
Les mésanges de l’enfance
Ne pouvaient en sortir
Sans curiosité de nous
De là-bas en bas des gloires
Portaient bonheur pas de nuage
Sans frange d’argent dit le proverbe
Mais les humains occupés donnent
Miettes à celui-là le crucifié
Etonnés de trouver l’homme-dieu
Dément, torturé même à l’offert
Sur la table d’une brocante
La Pédagogie
Mâchez la poésie
Mâchez le poème
Elèves inouïs
Sortis des bois à peine
Sauvages nez à nez
Avec ceux qui les ont écrits
vous êtes de ce monde
Ou alors naviguez
C’est le bon moment
Prenez le large
Dans le débris du bruit aigu
Des carreaux cassés
Dans les fuites des décharges
Dans vos minuscules incendies
Vos nuées oranges
Et jeux de cailloux
J'avais mis toute ma peau dans tes bras.