LE BEAU NAVIRE
Le beau navire que j'avais!
O mes amis, le beau navire!
Le vent chantait dans ses agrès
Comme l'espoir sur une lyre.
Ses voiles claquaient dans l'azur,
O mes amis, les belles voiles!
Leur réseau rose était plus pur
Que le nacre en fleurs des étoiles.
O mes amis, le beau départ!
Pour les îles ou nul n'aborde!
L'oiseau du rêve et du hasard
Se balançait de corde en corde.
La belle corde, ô mes amis,
Pour lancer une ancre au rivage!...
Hélas! sur les flots insoumis,
Mon fier navire a fait naufrage.
Ses voiles tombent en lambeaux
Sur sa coque ouverte à l'étrave:
Coeur en deuil de pays trop beaux,
O mes amis la triste épave!
(L'Allée aux fantômes)
Janvier
Coiffé d’une toque de neige,
Vêtu d’un manteau de brouillards,
Des douze mois aux douze chars,
J’ouvre et rajeunis le cortège.
“Que Dieu, Madame, vous protège
Et préserve des faux départs
Les voeux qui hantent vos regards,
Fortune, gloire, amour..., que sais-je!...
“ Rien n’est plus charmant que l’espoir!...
Daignez choisir, dans mon drageoir!...
De givre, un grain de bonheur rose;
“Et puissent, dans six jours..., vos doigts
Tendre au vieux vagabond Nivôse
Une part du gâteau des rois!”