La princesse est enfant. Elle est assise, sage. L’air froid pique ses yeux mais c’est sans importance, elle est pelotonnée contre le Roi son père, Agapito Ier, Souverain de Loin-Confins et des contrées annexes, Patelin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d’Ergastule et Mitard.
Il n’y a pas, pour elle, de torture plus douce que ce vent coulis glacial qui se lève parfois à l’angle du balcon. C’est le prix à payer, le temps de la leçon. Tant pis si le nez coule.
La petite princesse se prénomme Tanah. Elle apprend. Un jour peut-être – même si c’est peu probable – à son tour, elle sera Reine.
Pour l’instant, la princesse Tanah renifle, elle a la chair de poule, elle se colle un peu plus à son père, qui n’a jamais froid, lui. Qui est fort.
Qui est Roi.
Elle n’entend pas, elle n’écoute pas, la voix agacée de sa mère qui les rappelle à l’ordre, il faut rentrer, il se fait tard.
Tanah réprime un bâillement, pourtant elle ne veut pas dormir, pas encore. Son père lui a promis d’aller pêcher au lac Vert-mousse, on y trouve des brèmes et des crabes-pinçons. Ils iront après la leçon.
Elle aime aller là-bas.
(Incipit)