Film de Jean Becker et Jean-Loup Dabadie avec Gérard Depardieu, Gisèle Casadesus et Patrick Bouchitey, 2010.
Adaptation du roman de Marie-Sabine Roger.
Il y a des absences qui prennent trop de place.
C'est un peu ça que je ne veux pas faire : ranger mes rêves au fond d'un tiroir-caisse, et rendre la monnaie sur tous mes faux espoirs.
Se mettre à réfléchir, ça revient à donner des lunettes à un myope. Tout semblait bien sympa, tout autour: facile, c'était flou. Et tout d'un coup on voit les fissures, la rouille, les défauts, tout ce qui part en couille. On voit la mort, le fait qu'on va devoir quitter tout ça et même pas forcément d'une façon marrante. On comprend que le temps, ça fait pas que passer: ça nous pousse à crever un peu plus tous les jours, des deux mains dans le dos. Il n'y a pas de pompon à choper pour faire un tour gratuit, sur le manège. On fait son tour de piste et point barre: on s'en va.
Franchement, pour certains, la vie, c'est une belle arnaque.
Pour certains le travail est une chose sacrée. Chacun sa religion. Je suis très tolérant.
Grâce à Bubulle, mon poisson rouge, j’avais été très jeune confronté à la mort. Je devais avoir dans les quatre ou cinq ans lorsqu’un matin, je l’avais retrouvé en train de faire la planche au milieu de son bocal. J’avais eu beau lui faire la respiration artificielle avec une paille, ça n’avait rien donné du tout.
Bubulle était cassé.
Je l’avais apporté à mon père, persuadé qu’il pouvait le refaire marcher, car il était très bricoleur. Mon père l’avait considéré d’un oeil trouble, avant de conclure :
- Il est mort, ton poisson.
J’avais demandé :
- Ça va durer longtemps ?
Il avait répondu :
- Ça va durer toujours.
Puis il l’avait jeté dans les toilettes – soi-disant qu’il allait retourner à la mer. J’avais regardé Bubulle partir dans le tourbillon de la chasse. Mourir, c’était donc ça : un truc définitif et plutôt emmerdant.
On peut trouver du beau partout. Ce qui compte, c'est le regard que tu portes sur les choses.
Je repense à ce mot, inculte – Qui n’est pas cultivé. Voir : friche – qui m’était venu dans la tête, un jour, pendant que je parlais avec Margueritte. Et au rapport qu’il y a entre la culture des livres et l’autre, des topinambours. C’est pas parce qu’on ne cultive pas un terrain qu’il n’est pas bon pour les patates ou autres. Faut pas croire, c’est pas de bêcher qui rend le sol meilleur : ça le prépare seulement à bien recevoir les semis. Ça l’aère. Parce que si le terrain est trop acide, trop calcaire, ou trop pauvre, il prendra pas n’importe quoi, de toutes les façons.[…]
Ce qui me fait aller vers cette conclusion que pour les gens, c’est du pareil au même : c’est pas parce qu’on est inculte qu’on n’est pas cultivable. Il suffit de tomber sur un bon jardinier. Si c’est un mauvais, qui n’a pas le doigté, il vous gâche.
Je crois que je suis allée trop loin dans la tristesse. Trop profond.
Il n'y a pas eu - pas vraiment - d'acharnement du destin contre moi. Pas de ces accumulations inhumaines de drames. Des chagrins, oui. Et des deuils, ressentis ou vécus. Mais dans une proportion, j'allais dire normale...
Si la norme, c'est d'être malheureux souvent.
Tu lis quoi en ce moment ? Moi je suis en train de relire Histoire de la France des origines à nos jours, de Duby.
-Oui, très bien, ça, bon choix. Moi, vu que j'ai du temps de libre, j'ai commencé l'annuaire. J'en suis à "Giraudin Jean-Claude, 13 rue Amiral Courbet".
-Ah oui, je me souviens de ce passage... Tu verras, après, dès que tu arrives à "Lefebvre Jocelyne", ça commence à te prendre aux tripes.
-Ne me raconte pas, je ne veux pas savoir la fin.
C'est un peu ça que je ne veux pas faire: ranger mes rêves au fond d'un tiroir-caisse, et rendre la monnaie sur tous mes faux espoirs.
Vivement l'avenir (2010)