AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Woland


[...] ... Monsieur le Prince [= Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé], de son côté, fort irrité contre madame sa soeur [= Anne-Geneviève de Bourbon, la célèbre duchesse de Longueville], se résolut de pousser son ressentiment contre elle aussi loin qu'il pourrait aller ; et pour cela il dit à M. de Longueville, son mari, tout ce qu'il crut le plus nuire à cette dame, après lui avoir même conseillé de la faire enfermer dans une de ses maisons.

M. de Longueville, qui en savait déjà assez, n'eut pas de peine à croire tout ce que son beau-frère lui voulut persuader de sa femme ; mais il n'en fut que cela, et il en demeura là tout court. Outre que naturellement il n'étais pas sensible [= il n'avait pas l'honneur très chatouilleux], il était incapable d'une violence. Mais ce qui paraîtra tout à fait bizarre, c'est que M. le Prince, qui venait de témoigner tant de ressentiment contre Mme de Longueville, par un excès de l'amour qu'il avait pour Melle Du Vigean, devint en fort peu de temps, après une maladie qu'il eut depuis la bataille de Nordlingue [= Nordlingen], aussi indifférent pour ce qu'il avait tant aimé que s'il n'en avait jamais ouï parler.

Cependant, quoiqu'il ne fût plus question de Melle Du Vigean, le frère et la soeur n'en furent pas mieux ensemble. M. le Prince demeura avec bien du mépris pour Mme de Longueville et madame de Longueville avec bien de l'aversion pour lui. Mais comme elle avait pris goût à cette recherche générale, et à la grande considération qu'il lui avait procurée, elle voulut suppléer par ses intrigues à ce qu'elle ne pouvait plus conserver par son frère ; et cela lui fut d'autant plus aisé, que ceux dont elle se servait pour y parvenir, voulant se servir d'elle à leur tour pour parvenir à leurs fins, n'oublièrent rien pour lui mettre dans la tête combien il était grand et beau à une femme de se voir dans les grandes affaires, et combien cela la ferait distinguer et considérer, outre le plaisir qu'elle concevait encore d'être dans un parti opposé à celui de son frère. Car, quoiqu'il y eût quelque apparence qu'il voulût entrer dans celui qu'elle avait pris, elle le connaissait trop bien pour l'en croire capable, sachant d'ailleurs combien il haïssait tous les partis.

Mais la plus forte raison qui la détermina, et qui était aussi celle qui la touchait le plus, fut qu'en se mettant ainsi dans de grands partis elle crut qu'elle passerait pour en avoir beaucoup plus d'esprit : qualité qui faisait sa passion dominante, et l'objet de ses désirs les plus pressants et les plus chers. En un mot, tout ce qu'elle croyait le plus propre à établir son mérite personnel prévalait toujours en elle sur toute autre considération.

C'est aussi ce qui faisait que les grandes choses dépendaient presque toujours chez elle des petites ; et qui aurait voulu chercher des motifs bien solides de sa conduite s'y serait assurément trompé, puisqu'elle sacrifiait ordinairement à sa gloire et sa fortune et son repos. Mais comme elle mettait presque toujours cette gloire où elle n'était point, il ne lui en restait presque jamais que la vaine imagination de l'avoir cherchée où elle était. ... [...]
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}