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EAN : 9782715226333
288 pages
Le Mercure de France (08/06/2006)
5/5   1 notes
Résumé :

Le public ne connaît plus guère aujourd'hui cette princesse, qui fascina ses contemporains par son intelligence, sa redoutable causticité, et surtout sa
tranquille audace de préférer sa propre cour à celle du
Roi-Soleil, qui la suivit dans la tombe.

Deux fois victime de la raison d'État, qui l'empêcha de régner sur l'Angleterre, elle se replia sur les ressources de sa culture et de son esprit, et grâce à son immense fortune, f... >Voir plus
Que lire après Mémoires de Marie d'Orléans, duchesse de Nemours - Lettres inédites de Marguerite de Lorraine, duchesse d'Orléans (1625-1707)Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Présentation & Notes : Micheline Cuénin

ISBN : 9782715226333


Si vous cherchez un récit objectif sur la Fronde des Grands qui devait avoir, sur Louis XIV, l'influence que l'on sait, alors, ce sont les "Mémoires" de Marie d'Orléans qu'il vous faut. D'autant que, en prime, celle qui devint assez vite la veuve de Henri II de Savoie, duc de Nemours, pratique l'humour avec talent et, en dépit de sa naissance (ou à cause de celle-ci ?) a, pour dépeindre la noblesse, l'oeil clair, prompt et implacable du rapace. En bien ou en mal, du Grand Condé au plus oublié des Frondeurs, tout le monde passe ici, en un style qui ne se départit jamais d'une élégance naturelle, à la moulinette.

La fille aînée d'Henri II d'Orléans-Longueville et de Louise de Bourbon n'est guère tendre pour les membres de sa caste et ceci bien que, au nombre des Frondeurs, figure son propre père. Sans méconnaître leur valeur foncière, elle les blâme de se comporter comme des trublions, des têtes folles qui, dans l'espoir de rétablir plus ou moins le système féodal auquel Richelieu et Mazarin croyaient avoir porté le coup de grâce, n'hésitent pas à pactiser avec l'ennemi espagnol et à favoriser aux quatre coins du royaume une guerre civile dans laquelle ils ne voient qu'une sorte d'amusement légitime dû à la classe dont ils sont issus alors que le peuple, lui, souffre misère au milieu de tous ces combats.

Précisons d'ailleurs que le récit de Melle de Longueville - tel était le titre sous lequel était connue Marie d'Orléans avant son mariage - ne concerne que la Fronde. Quand elle doit se mettre en scène, elle utilise une troisième personne qui, bien loin de toute arrogance, lui permet de prendre un peu plus de recul face à des personnages et des événements qui, bon gré, mal gré, ont fait notre Histoire et qu'elle évoque un peu comme le ferait, de nos jours, un excellent journaliste de terrain.

Car le regard personnel que pose sur la Fronde la duchesse de Nemours est à la fois critique, aussi impartial que possible même si très incisif et plus ou moins teinté d'ironie devant certains comportements. Avec les pages de la Grande Mademoiselle sur cette même période et à mille lieues des débordements narcissiques d'un cardinal de Retz, ces "Mémoires" fournissent l'essentiel de ce que l'on doit savoir sur la Fronde. Sobres, précis, sans fioritures inutiles, ils nous la restituent au plus proche de ce qu'elle fut : une rébellion parlementaire encouragée, puis reprise par les grands féodaux, comme une sorte de répétition encore balbutiante mais déjà très dangereuse pour la royauté du spectacle que donneront, en 1788, les Parlements à nouveau au pinacle et une noblesse qui, entichée des "idées nouvelles" vantées par les philosophes et concrétisées par les "insurgents" du Nouveau-Monde, contribuera, sans en avoir pleinement conscience, à sa propre mise à mort.

A noter que, en fin de volume, les éditeurs nous donnent l'occasion, par le biais de quelques lettres, de faire un peu mieux connaissance avec Marguerite de Lorraine, seconde épouse de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Les "Mémoires" de la Grande Mademoiselle nous l'ont déjà présentée mais Mademoiselle, même si elle paraît avoir veillé comme il se doit sur ses demi-soeurs, n'aimait guère sa belle-mère, la chose est certaine. Avec les lettres ici rassemblées, nous passons en quelque sorte de l'autre côté du miroir, Marguerite de Lorraine exposant elle-même à ses correspondants la situation délicate dans laquelle la place, et pour longtemps, ce mariage d'amour qu'elle et son époux ont conclu en se passant malheureusement de l'autorisation du roi Louis XIII. En dépit de la sympathie qui emporte souvent le lecteur de la Grande Mademoiselle, il convient tout de même, ne serait-ce que par esprit d'équité, de prêter un peu l'oreille à la voix de celle qu'elle ne cessa jamais de considérer comme une ennemie. ;o)
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
[...] ... Monsieur le Prince [= Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé], de son côté, fort irrité contre madame sa soeur [= Anne-Geneviève de Bourbon, la célèbre duchesse de Longueville], se résolut de pousser son ressentiment contre elle aussi loin qu'il pourrait aller ; et pour cela il dit à M. de Longueville, son mari, tout ce qu'il crut le plus nuire à cette dame, après lui avoir même conseillé de la faire enfermer dans une de ses maisons.

M. de Longueville, qui en savait déjà assez, n'eut pas de peine à croire tout ce que son beau-frère lui voulut persuader de sa femme ; mais il n'en fut que cela, et il en demeura là tout court. Outre que naturellement il n'étais pas sensible [= il n'avait pas l'honneur très chatouilleux], il était incapable d'une violence. Mais ce qui paraîtra tout à fait bizarre, c'est que M. le Prince, qui venait de témoigner tant de ressentiment contre Mme de Longueville, par un excès de l'amour qu'il avait pour Melle Du Vigean, devint en fort peu de temps, après une maladie qu'il eut depuis la bataille de Nordlingue [= Nordlingen], aussi indifférent pour ce qu'il avait tant aimé que s'il n'en avait jamais ouï parler.

Cependant, quoiqu'il ne fût plus question de Melle Du Vigean, le frère et la soeur n'en furent pas mieux ensemble. M. le Prince demeura avec bien du mépris pour Mme de Longueville et madame de Longueville avec bien de l'aversion pour lui. Mais comme elle avait pris goût à cette recherche générale, et à la grande considération qu'il lui avait procurée, elle voulut suppléer par ses intrigues à ce qu'elle ne pouvait plus conserver par son frère ; et cela lui fut d'autant plus aisé, que ceux dont elle se servait pour y parvenir, voulant se servir d'elle à leur tour pour parvenir à leurs fins, n'oublièrent rien pour lui mettre dans la tête combien il était grand et beau à une femme de se voir dans les grandes affaires, et combien cela la ferait distinguer et considérer, outre le plaisir qu'elle concevait encore d'être dans un parti opposé à celui de son frère. Car, quoiqu'il y eût quelque apparence qu'il voulût entrer dans celui qu'elle avait pris, elle le connaissait trop bien pour l'en croire capable, sachant d'ailleurs combien il haïssait tous les partis.

Mais la plus forte raison qui la détermina, et qui était aussi celle qui la touchait le plus, fut qu'en se mettant ainsi dans de grands partis elle crut qu'elle passerait pour en avoir beaucoup plus d'esprit : qualité qui faisait sa passion dominante, et l'objet de ses désirs les plus pressants et les plus chers. En un mot, tout ce qu'elle croyait le plus propre à établir son mérite personnel prévalait toujours en elle sur toute autre considération.

C'est aussi ce qui faisait que les grandes choses dépendaient presque toujours chez elle des petites ; et qui aurait voulu chercher des motifs bien solides de sa conduite s'y serait assurément trompé, puisqu'elle sacrifiait ordinairement à sa gloire et sa fortune et son repos. Mais comme elle mettait presque toujours cette gloire où elle n'était point, il ne lui en restait presque jamais que la vaine imagination de l'avoir cherchée où elle était. ... [...]
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[...] ... Un peu après le raccommodement de M. le Prince avec le cardinal [= Mazarin], la Reine [= Anne d'Autriche] donna le tabouret [= droit de s'asseoir sur un tabouret devant la Reine et d'entrer en carrosse dans les cours des châteaux royaux, honneurs en général réservés aux duchesses] à la comtesse de Fleix, fille de Mme de Senecey sa dame d'honneur ; sur quoi M. le prince de Conty le demanda aussi pour Mme de Marcillac, et M. le duc d'Orléans pour Mme de Pons, depuis duchesse de Richelieu. Et comme dans ce temps-là tout faisait de l'émotion [= agitation politique], ces nouvelles prétentions en firent tant, que cela alla jusqu'à faire des assemblées de noblesse pour en empêcher l'exécution : à quoi le cardinal contribuait en sous main, dans la pensée qu'elles ne pouvaient être que contre le duc d'Orléans et le prince de Conty. Mais il en arriva tout autrement : car dès qu'ils furent rassemblés, sans se souvenir de ce qui les y avait obligés, ils se mirent à fronder contre la cour et contre le cardinal ; ce qui fut cause qu'il prit encore un peu plus de soin de rompre ces assemblées, qu'il n'en avait pris de les faire : et on ne parla plus des tabourets.

Ces assemblées finies, il parut une manière de calme dans le royaume, dont peu de gens étaient contents ; et insensiblement toute l'aversion qu'on avait eue pour le cardinal se tourna contre M. le Prince et contre toute sa maison, à laquelle ils [= Condé et sa soeur, Mme de Longueville] contribuaient plus que tous leurs ennemis : car enfin il trouvait que c'était se donner un ridicule que de témoigner quelque attention à se faire aimer. Aussi est-il certain que, dans ce temps-là, M. le Prince aimait mieux gagner des batailles que des coeurs.

Dans les choses de conséquence ils s'attachaient à fâcher les gens et dans la vie ordinaire ils étaient si impraticables qu'on n'y pouvait pas tenir. Ils avaient des airs si moqueurs et disaient des choses si offensantes, que personne ne les pouvaient souffrir. Dans les visites qu'on leur rendait, ils faisaient paraître un ennui si dédaigneux et ils témoignaient si ouvertement qu'on les importunait, qu'il n'était pas malaisé de juger qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour se défaire de la compagnie. De quelque qualité qu'on fût, on attendait des temps infinis dans l'antichambre de M. le Prince ; et fort souvent, après avoir bien attendu, il renvoyait tout le monde sans que personne eût pu le voir. Quand on leur déplaisait, ils poussaient les gens à la dernière extrémité, et ils n'étaient capables d'aucune reconnaissance pour les services qu'on leur avait rendus. Aussi étaient-ils également haïs de la cour, de la Fronde et du peuple, et personne ne pouvait vivre avec eux. Toute la France souffrait impatiemment ces mauvais procédés, et surtout leur orgueil qui était excessif.

Mais si l'aversion qu'on avait pour eux était grande, la crainte l'était encore davantage. Elle l'était même à un point que, pour la pouvoir imaginer, il faudrait l'avoir vue. Tout le monde aurait bien voulu être délivré d'eux, mais personne n'avait assez de courage pour oser y travailler. ... [...]
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Vidéo de Marie d' Orléans - Duchesse de Nemours
Aujourd'hui on vous emmène en 1839 à la rencontre du “Cavalier sautant une palissade” une sculpture réalisée par Marie d'Orléans.
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