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Citation de Woland


[...] ... Un peu après le raccommodement de M. le Prince avec le cardinal [= Mazarin], la Reine [= Anne d'Autriche] donna le tabouret [= droit de s'asseoir sur un tabouret devant la Reine et d'entrer en carrosse dans les cours des châteaux royaux, honneurs en général réservés aux duchesses] à la comtesse de Fleix, fille de Mme de Senecey sa dame d'honneur ; sur quoi M. le prince de Conty le demanda aussi pour Mme de Marcillac, et M. le duc d'Orléans pour Mme de Pons, depuis duchesse de Richelieu. Et comme dans ce temps-là tout faisait de l'émotion [= agitation politique], ces nouvelles prétentions en firent tant, que cela alla jusqu'à faire des assemblées de noblesse pour en empêcher l'exécution : à quoi le cardinal contribuait en sous main, dans la pensée qu'elles ne pouvaient être que contre le duc d'Orléans et le prince de Conty. Mais il en arriva tout autrement : car dès qu'ils furent rassemblés, sans se souvenir de ce qui les y avait obligés, ils se mirent à fronder contre la cour et contre le cardinal ; ce qui fut cause qu'il prit encore un peu plus de soin de rompre ces assemblées, qu'il n'en avait pris de les faire : et on ne parla plus des tabourets.

Ces assemblées finies, il parut une manière de calme dans le royaume, dont peu de gens étaient contents ; et insensiblement toute l'aversion qu'on avait eue pour le cardinal se tourna contre M. le Prince et contre toute sa maison, à laquelle ils [= Condé et sa soeur, Mme de Longueville] contribuaient plus que tous leurs ennemis : car enfin il trouvait que c'était se donner un ridicule que de témoigner quelque attention à se faire aimer. Aussi est-il certain que, dans ce temps-là, M. le Prince aimait mieux gagner des batailles que des coeurs.

Dans les choses de conséquence ils s'attachaient à fâcher les gens et dans la vie ordinaire ils étaient si impraticables qu'on n'y pouvait pas tenir. Ils avaient des airs si moqueurs et disaient des choses si offensantes, que personne ne les pouvaient souffrir. Dans les visites qu'on leur rendait, ils faisaient paraître un ennui si dédaigneux et ils témoignaient si ouvertement qu'on les importunait, qu'il n'était pas malaisé de juger qu'ils faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour se défaire de la compagnie. De quelque qualité qu'on fût, on attendait des temps infinis dans l'antichambre de M. le Prince ; et fort souvent, après avoir bien attendu, il renvoyait tout le monde sans que personne eût pu le voir. Quand on leur déplaisait, ils poussaient les gens à la dernière extrémité, et ils n'étaient capables d'aucune reconnaissance pour les services qu'on leur avait rendus. Aussi étaient-ils également haïs de la cour, de la Fronde et du peuple, et personne ne pouvait vivre avec eux. Toute la France souffrait impatiemment ces mauvais procédés, et surtout leur orgueil qui était excessif.

Mais si l'aversion qu'on avait pour eux était grande, la crainte l'était encore davantage. Elle l'était même à un point que, pour la pouvoir imaginer, il faudrait l'avoir vue. Tout le monde aurait bien voulu être délivré d'eux, mais personne n'avait assez de courage pour oser y travailler. ... [...]
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