LAISSES D'ENFANCE
4.
mère aimante les longs matins de givre dans le froissement des feuilles
au-dessus des roches
mère déjà si lointaine transparente parmi les averses trémières et les
minuscules violettes
oublieuse de toi de nous à force de chercher aux traînes de l'enfance ta voix
ta voix emmurée
transie de petite fille sans mère pour toi mère pour un fils mère
inconsolable
mère sans voix si sage et muette
(l'enfance passait blottie entre les galets et la laine de verre
on tenait dans nos paumes un instant la chanson du glacier qui allait
de village en village
pénétrant nos cabanes et les branchages au dessus du ru
Dolloir permanent Dolloir
es-tu l'ombre ou la douleur
es-tu le souvenir du fleuve gelé franchi en une nuit
ou celui du grand yaka le visage mangé par sa cape comme une aile
noire craquée de froid et de folie sur le paysage d'enfance
la peur toujours saisit les reins comme à cinq ans)
nuit si longue aujourd'hui
à contempler le peu
de jour qui s'efface au bout des branches
mère agenouillée près du bois
sous la fumée et le trot des loirs
(l'enfance appelle dans mes nuits de cave)