Marilyn Neel

Elle était une mère attentionnée, malgré son air fermé et son attitude souvent autoritaire. Elle voulait toujours le meilleur pour ses enfants, mais elle se sentait continuellement dépassée. Je crois qu’elle n’avait pas supporté la mort de papa et son chagrin ne disparaissait pas. Elle éprouvait comme une torture dans l’abandon de cet homme sur lequel toute sa vie reposait. La noirceur de ses pensées la plongeait parfois dans un état de passivité, lui épargnant le face-à-face avec elle-même et les sentiments qu’elle n’avait pas exprimés depuis si longtemps. Elle se demandait toujours si les difficultés de ses enfants étaient sa responsabilité… et son empathie était si grande qu’elle culpabilisait beaucoup sur le sujet.

Elle pensait que la vie se voyait dans la couche superficielle des biens qui se distinguaient au premier coup d’œil. À quoi ressemblaient ta maison, tes vêtements, ta voiture et indubitablement ton compte en banque ? Ces valeurs étaient mises en place par un système pour que personne ne sache vraiment discerner le vrai du faux…

J’étais une jeune femme pleine de joie et de bonne humeur. Ma béatitude naturelle se traduisait par le physique d’une éternelle adolescente avec un visage fin, la peau pâle et de grands yeux bleus. Mes cheveux blonds, au carré, flavescents par mèches, me donnaient un âge incertain, par leur rectitude et leur aspect juvénile. J’aimais porter des vêtements atypiques, qu’on disait « étranges », comme si je venais d’un autre temps ou d’une autre planète, pensais-je, car j’étais souvent dans la lune. Et ma curiosité m’emmenait à m’identifier à des héros justiciers ou à des aventuriers sans peur et sans reproche. Je rêvais sans cesse d’un monde meilleur, seulement mes convictions n’avaient pas d’écho dans ma famille et en particulier ma mère qui diminuait éternellement ma foi.

Il était intelligent de croire que les gens faisaient de leur mieux avec ce qu’ils avaient. Nous n’avions pas de tablettes pour savoir comment chacun d’entre nous devait se comporter avec autrui. Certes, des théories existaient pour nous donner des instructions sur les libertés et règles de conduite, mais elles étaient liées à la loi et à l’absolue limite qui séparait le bon de l’inacceptable. Cette limite, qui avait été créée pour que la masse des gens ne soit pas trop indisciplinée et ainsi permettre à d’autres de profiter de la vie, comme jamais la majorité ne pouvait, ne serait-ce qu’y croire ! Nous étions le fruit et la continuité des individus qui avaient fait de leur mieux et chaque fois, à chaque vie, nous rajoutions notre savoir-vivre personnel…

L’électricité, qui était hier à l’origine de la création, se modifia pour créer la source de la destruction et du chaos, dévastant tout sur son passage. Il traversa l’air n’importe où sans prévenir… Nous nous étions préparés, Balah avait érigé des protections sur certains édifices pour tenter de survivre à ce fléau. Sur terre, des raz de marée, des séismes, des inondations, des tempêtes effroyables se déclenchèrent et quand bien même, nous n’avions pas la possibilité d’y retourner ou même de choisir notre place, car les passages étaient bloqués, nous devions rester là, pour traverser ces moments d’horreur.

Et voilà, Roxanne, fraîche et magnifiquement immature, c’était ma meilleure amie. J’aimais son franc-parler, mais sa fragilité à tendance schizophrénique perturbait beaucoup de nos connaissances, toutefois je la trouvais vraie et sans artifice. Elle était la star de l’agence et elle avait des idées de génie.

Tout ce monde venait avec des objectifs précis et bien distincts. Chaque personne avait pour cette soirée une envie de contrat, de rencontre, de briller, de séduire, de manger, de sortir du quotidien.

« Le vrai mystère du monde est le visible, et non l’invisible. »
Oscar Wilde