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Citation de Le_Raconteur


L'affaire Calas serait au minimum une erreur judiciaire, mais plus vraisemblablement un crime judiciaire. Dans le premier cas, les juges se seraient trompés, dans le second, ils auraient trompé le public. Dans tous les cas, ils ont tué un innocent.

Cette version des choses est tellement admise, tellement évidente pour tout Français un peu lettré, pour tout citoyen un tant soit peu politisé, qu'il n'est nul besoin d'admirer Voltaire pour la relayer. Moi-même, qui n'ai jamais porté dans mon cœur le seigneur de Ferney, j'ai pu écrire il n'y a pas si longtemps [en 2011] : « En 1762, La Beaumelle s'était levé, à Toulouse, contre la condamnation d'un innocent nommé Jean Calas. » Après plusieurs années passées à étudier le XVIIIe siècle et à y croiser Voltaire, je reprenais, comme une évidence, la seule version admise.
Admise au point que dire « Calas innocent » est presque un pléonasme.

Pourtant il n'a pas manqué - et il ne manque pas - de thèses visant à montrer que, peut-être, Calas ne fut pas si innocent que cela. Pour peu qu'on délaisse le corpus de ce qu'on livre au grand public ou aux écoliers, il semble bien que les partisans de sa culpabilité n'aient pas manqué, du vivant de Voltaire déjà, mais largement depuis lors.
Mais ces thèses-là ne sont accessibles qu'à ceux qui s'intéressent à Jean Calas et à la vérité d'un dossier fort complexe. Pour ceux qui s'intéressent à Voltaire, la chose est entendue : il a réussi à faire réhabiliter un innocent. Cela seul fut suffisant pour lui faire mériter un triomphe populaire à la fin de sa vie, et le Panthéon après sa mort.

Il ne sera pas question de refaire ici le procès de Jean Calas. Avoir cette prétention quand on n'a pas absolument tout lu de cet épais dossier et des quantités de documents publiés alors et depuis relèverait de l'outrecuidance ou de la malhonnêteté. Quantité de gens très sérieux s'y sont attelés, j'ai lu quelques-uns de ces auteurs qui rn'ont semblé crédibles, et sincèrement, aucun d'entre eux ne permet de trancher de façon définitive.

Quand il s'agit de Calas, la seule certitude, c'est le doute.
Aussi, ce que l'on peut honnêtement affirmer quant à la culpabilité ou l'innocence de Jean Calas relève de la croyance, de l'impression, de la conviction : il n'existe pas de preuve dans un sens ni dans un autre.
Mais l'homme honnête, comme le juge honnête, a droit à sa présomption de sincérité s'il affirme croire, en son âme et conscience, en la culpabilité ou l'innocence d'un accusé, Calas ou un autre. Et ceux qui ont écrit sur le sujet ont fourni aux lecteurs des arguments sincères permettant de pencher pour ou contre.
]'ai pour ma part mon idée sur la question.

Il n'est plus question de cela dès qu'il s'agit de Voltaire.
Car pour lui accorder la présomption de sincérité, quand il clama à toute l'Europe qu'on avait roué un innocent, il faudrait ignorer que, dans cette affaire encore, il a menti, sur toute la ligne.
Tout ce que le public croit savoir sur l'affaire Calas avant de mettre le nez dans le dossier est un tissu de mensonges repris ad nauseam sans vérification ni relecture.
Et à ce point, c'est un exploit: s'il existait une palme de la falsification historique, c'est à Voltaire qu'il faudrait la décerner pour la façon dont il a controuvé cette affaire qui suffirait à elle seule à faire le déshonneur de l'homme le plus honoré de notre littérature.
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