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Citation de Bobby_The_Rasta_Lama


Lors d'une matinée d'automne, ils n'ont plus réussi à réveiller le vieux Laco, un vieillard desséché et voûté, toujours si adroit avec les chevaux. Et ils l'ont assis à table, ils lui ont fourré un bout de ficelle dans la main pour remplacer la bride, et soudain, du moins pour quelque jours, ils se sentaient à nouveau proches l'un de l'autre. Assis autour de la table, pendant trois jours ils veillaient Laco, marchaient sur la pointe des pieds, et personne ne chantait ni riait, ils abreuvaient tant eux-mêmes que le vieillard avec de l'eau-de-vie, afin qu'il marche d'un pas léger sur son dernier chemin, et selon l'ancienne coutume ils en versaient un peu à côté, pour obtenir les faveurs de la terre à laquelle ils voulaient confier le vieux.
Quand ils poussaient sur ses genoux figés en le mettant dans le cercueil, son corps s'est redressé, et le vieillard, les mains croisés, s'est assis comme s'il voulait dire encore quelque chose avant qu'ils ne lui clouent le couvercle par-dessus la tête ; ils sont tous partis en courant, et quelques jours encore un frisson leur parcourait l'échine et leurs dents s'entrechoquaient comme une brouette qui caracole sur les durs pavés de la ville.
Ils sentaient tous qu'avec le vieux Laco s'en vont les temps anciens des feux à minuit, des chevaux sauvages, des pieds nus qui marchent dans la boue et des roues de chariots en bois qui s'enfoncent dans la terre, des nuits miraculeuses où tombent les étoiles, des nuits pleines de lumière, où la Lune roule dans le ciel comme un fromage géant et dans l'archaïques bosquets fleurissent les plantes magiques ; mais aussi des nuits sombres ordinaires, dont l'obscurité recouvre même les champs des gadjé avec leurs patates et leurs choux.
Et par la porte entrouverte par Miro, puis défoncée à coups de pied de Marian et d'Imro, s'engouffrait déjà un monde nouveau, un monde féroce des couteaux à cran d'arrêt, des pavés et des retraités martyrisés, un monde qui ne laisse plus de temps pour fumer longuement sur le seuil en devisant, pour lire l'avenir dans la main et pour les plaintes mélancoliques sous les étoiles.
Par cette porte défoncée, sans frapper, est entré un monde que personne n'a pas encore réussi à comprendre. (*)

(*traduction approximative à partir de la VO)
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