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Citation de Charybde2


La charogne de l’alligator flottait le ventre en l’air. Il avait été abattu parce qu’il s’était approché un peu trop près du campement et que personne ne voulait perdre un bras ou une jambe. L’odeur douceâtre de la décomposition se mélangeait à celle de la forêt. La première cabane se trouvait à une centaine de mètres de la clairière. L’Italien bavardait tranquillement avec Huberto. Il sentit ma présence. Il se retourna et me sourit. Je lui fis un clin d’oeil et il se remit à parler. J’allai derrière lui, respirai à fond et lui tirai dans la nuque. Il s’affala sur l’herbe. Nous le prîmes par les pieds et les bras, et le jetâmes à côté de l’alligator ; le reptile sur le dos et lui sur le ventre. L’eau était si dense et si calme que le sang et les morceaux de cerveau parvinrent difficilement à occuper un espace plus grand qu’une soucoupe. Huberto me prit le pistolet, l’enfila dans sa ceinture et d’un geste de la tête me fit signe de retourner au camp. J’obéis, même si j’aurais préféré rester encore un peu à regarder fixement le corps dans l’eau. Je ne pensais pas que ce serait aussi facile. J’avais posé le canon sur ses cheveux blonds, faisant bien attention de ne pas lui toucher la tête pour ne pas courir le risque qu’il se retourne et me regarde dans les yeux, et j’avais appuyé sur la détente. La détonation avait été sèche et avait fait fuir les oiseaux. Ma main avait tressailli et du coin de l’oeil j’avais vu la culasse du semi-automatique reculer et charger une autre balle. Mais en réalité, mon regard était concentré sur sa nuque. Un petit trou rouge baveux et parfait, que le projectile avait formé en sortant par le front. Huberto l’avait regardé mourir sans bouger un seul muscle. Il savait que ça arriverait. L’Italien devait être exécuté, et il s’était porté volontaire pour l’attirer dans le piège, car depuis quelque temps, il était devenu un problème : la nuit, ivre mort, il frappait les prisonniers. La veille au soir, le commandant m’avait appelé sous sa tente. Il était assis sur un lit de camp et faisait tourner un pistolet entre ses mains.
– C’est un calibre 9, de fabrication chinoise, expliqua-t-il. Une copie exacte du Browning HP. Les Chinois copient tout. Ils sont précis et méticuleux. S’il n’y avait pas les idéogrammes, on le prendrait pour un authentique. Mais la mécanique, c’est une horreur. Il se bloque à la moitié du chargeur. Parfaite en apparence mais faible à l’intérieur… exactement comme le socialisme chinois.
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