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Citation de Tandarica


L'éloge du conquérant
« Rois barbares,/Sombres chasseurs d'aurochs… », H. Taine.

Ô toi, pour qui – menant la gent barbare
En hordes écrasant tel vieil empire –
La gloire fut prodigue et non avare ;

Toi, cœur impie et dont l'orgueil, d'un rire
Souilla plus d'un autel, et n'en eut cure
Brûla plus d'un château – tu fus grand, sire,

Pillant de plus d'un roi la sépulture
Brisant – pour la couronne ôter – sa tête,
Privant les ossements de leur parure ;

Ô sombre roi par qui vint la tempête
D'envahisseurs, faisant trembler la terre,
Ton nom – même si fut la rune prête

À l'immortaliser, pour qu'il éclaire,
À l'effacer – l'oubli fut aussi preste
Que le vent qui poussa loin ta poussière.

Dans un remous d'ans s'engouffra ta geste
– Remous des ans soumis par le temps-maître –
Mais ton ombre, pour eux, sombre elle reste :

Car on te voit – dur, grand, cruel – paraître,
En proie aux flammes sur des tours croulantes,
Poitrine nue et guerroyant, un être

Soûlé de sang. Les trompes violentes
Faisaient que, pris d'effroi, l'airain éclate.
Lors, les buccines déchaînant, hurlantes

Chassant l'aurochs dans la forêt carpathe,
Traquant le sanglier noir à la trace,
Tu tirais, pour qu'un trait le fauve abatte.

Je vois à l'aube, sous la voûte basse,
Dans les nuages gris que le vent mène,
Le gros gibier qui fuit cette menace

De mort. Dessus toi, tout joyeux, s'égrène
Le vol des noirs corbeaux, et, par ta faute,
Le sang fleurit de rouges fleurs la plaine.

Mais tu ne sus lui tenir la main haute
À la Camarade-au-guet qui fut comblée
Quand, enfin, de son sein froid te fit l'hôte.

Occis en traître au fond d'une vallée,
Tu fus pleuré par la tribu hirsute
Qui, ta dépouille, au couchant, a brûlée

Avec tes biens, au sommet d'une butte :
Tes fiers coursiers, tes serves bien choisies
Berçant ta morne ivresse après la lutte…

L'automne, les soirs longs de rêveries
Chassent le lourd brouillard de ma mémoire
Troublant en moi les âmes endormies

Dès longtemps… et, d'un coup, une illusoire
Image est là, quand l'horizon flamboie
Tout pourpre et rose, et puis du sang fait boire

Au ciel de braise, sang que le ciel noie.
Alors, en regardant le crépuscule,
Soudainement, d'un âpre élan la proie,

Je vois, seigneur, ton beau bûcher qui brûle.
[1912]
(p. 21-31)
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