Le concept de ce recueil de nouvelles n’est pas commun. L’artiste Mathieu Coudray a proposé à six auteurs de s’inspirer de l’une de ses illustrations pour écrire un récit. De l’image sont nés les mots.
Ces images, je ne me sens pas habile à en parler. Pour moi, elles sont belles, mais « belles » ne veut rien dire, n’est pas suffisant. Elles sont parlantes, elles provoquent l’émotion, gros plans, visages, scènes dramatiques, les traits noirs contrastent avec les couleurs vives. Maintenant parlons des textes…
Tête de Mort, par Philippe Halvick : Une ambiance glauque à souhait, bien plus sombre que romantique, le récit intrigant d’un homme se réveillant dans une cave, dans une maison inconnue. La chute fonctionne bien. Dommage que le style soit chargé, manque d’efficacité, avec des resucées, des formulations répétitives. Et hélas, je n’ai pas vu le lien entre l’image et son illustration écrite, un parti pris étonnant pour le texte d’ouverture du recueil…
Objet de mon Amour, par Jess Kaan : Pour ce texte, comme pour les suivants, on ne peut s’y tromper, l’auteur a plongé à l’intérieur de l’illustration pour arracher aux abîmes d’imaginaire une perle d’idée. Récit romantique et tragique, un style qui s’efface derrière l’histoire à raconter, des émotions qui sonnent juste. Objet de mon Amour, ou comment réinventer la sempiternelle chanson de l’amour perdu que l’on veut trouver par tous les moyens.
Ad Vitam Aeternam, par Céline Guillaume : Même point de départ que le récit précédent. Une femme qui a perdu l’amour de sa vie. Cette fois l’histoire est classique, la chute attendue. C’est bien écrit mais un peu court, cela manque d’enjeu à mon avis.
Le Corset de Sang, par Vanessa Terral : Un huit-clos qui permet pourtant l’évasion grâce aux multiples sources auxquelles puisent cette nouvelle pour se construire ; ambiance victorienne, mythologie, histoire féerique, mystères familiaux, lien d’amitié, destin d’élue. Un personnage central fort et émouvant. Quelques longueurs, mais un beau style.
Le Choix de Fausta, par Cyril Carau : Sans conteste, la nouvelle la plus surprenante de ce recueil. Encore bien plus que dans la précédente, il y a beaucoup d’inventivité, de références croisées, de substances dans ce récit, et même un soupçon de langueur érotique. En tant que lecteur, on se tient comme l’héroïne du récit et la femme présente sur l’illustration de Coudray, tout au bord d’un abîme ouvrant sur un vaste univers. Époustouflant. Le texte est une ouverture à un épopée très vaste, mais il est pourtant à l’aise avec son format nouvelle : descriptions pour asseoir l’ambiance, temps d’action, temps d’émotion, ellipses pour le dynamisme et enfin, chute. Je résume en deux mots, pour l’histoire et le style : riche et accompli.
Araf, par Jacques Fuentealba : Cette nouvelle-ci souffre, si on respecte l’ordre de lecture, de sa comparaison avec la précédente. Du moins en ce qui concerne ses débuts : longs, redondants, contemplatif, sans action. Mais le style est évocateur et la magie finit par opérer, celle qui nous lie mythes gréco-romain et chrétien, celle qui réinvente la quête éperdue d’Orphée pour arracher sa bien-aimée des enfers. L’illustration montre ces deux camps, à l’unisson, à la scission. Là encore, on sent derrière un récit plus vaste.
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