J'aimais un fantôme, une vague idée. Et j'avais reproduit ce schéma, encore et encore, me contentant d'apprécier les choses de loin, d'aimer le goût du raisin sans pour autant en manger. J'étais ce genre de garçon qui, parce qu'il croit en la beauté des sentiments, va faire l'effort de se rendre au bal mais, parce qu'il se sent également incapable de les vivre, parce qu'il en a peur et parce qu'il redoute plus que tout de voir la réalité différer de ses espoirs, va rester assis, contemplant les tandems qui s'animent depuis le banc en bois, dans le coin de la pièce. Je ne valsais pas, je ne virevoltais pas, je ne vivais pas.
Il faisait beau, et le ciel débarrassé des nuages illuminait les rues où se massaient des femmes aux vêtements trop courts et des hommes aux vêtements trop larges. A mesure que les décennies passent, les femmes voient leurs garde-robes perdre des centimètres, tandis que les hommes baissent de plus en plus leur pantalon. D'ici quelques années, que ce soit à cause des jupes ras le panier ou des frocs au niveau des genoux, chacun offrira au monde la vision de son cul... Bref, il faisait beau.