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Citation de HenryWar


Ils avaient monté la rue Royal, suivi les boulevards jusqu’à la rue Drouot ; maintenant ils grimpaient la rue des Martyrs. Comme un décor, les pensées de ces deux enfants s’interposaient entre leurs yeux et la réalité. Les régions qu’ils parcourent vers ces sept heures du soir, c’est pourtant le grand parc de la vénerie parisienne. Des hommes en quête de filles, les uns légers, bondissants, prêts à s’envoler ; les autres lourds et sous qui leurs jambes s’écrasent. Des femmes aussi : prostituées rapides et éclatantes comme des lumières, trottins et blanchisseuses qui rient en pressant le pas ; étrangères touchées par l’atmosphère de Paris, qui s’offrent et, au premier geste, s’épouvantent. Cette chasse érotique, avec ses arrêts dans la pleine lumière des magasins et sous les becs de gaz, avec ces regards qui dévisagent, elle a la gravité, l’ardeur d’une monomanie. C’est la folie crépusculaire des grandes villes énervées du manque d’oxygène. À cette heure, dans ce centre de Paris, passe aussi la chasse de vanité, tous ceux qui, à un titre quelconque, voudraient qu’on les désignât du doigt, boursiers, journalistes, gens de cercle, cabotins, quelques artistes, tous hystériques convaincus que l’univers partage leurs trépidations. Enfin la chasse d’argent, depuis le négociant qui court à des rendez-vous pour trouver des ressources à son affaire compromise, jusqu’au malheureux qui cherche, avec une âme prête à tous les crimes, les quarante sous de dîner. Ces trois chasses qui se mêlent, sur ce bitume vicieux et souillé autant que la tapis d’un tripot, ni Sturel ni Rœmerspacher ne les sentait. Si chasseurs et gibier, dans leur élan brutal, les coudoient sans même se faire reconnaître, c’est que le galop de leurs jeunes idées couvre le hallali du soir parisien. Il y a en eux une brutalité de désir au moins égale à la fureur vitale de tout ce peuple. Les idées de Taine, en se mêlant à cette jeunesse de qui l’âme se tourmentait merveilleusement, viennent d’y multiplier l’énergie.
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