HOMMAGE À JOAN MIRÓ
II MES COMPAGNONS LES OBJETS
NATURE MORTE III
extrait 1
Il suffit
De pommes dans un compotier
D’oranges sur une nappe de papier
D’un broc de faïence ou d’étain
D’un verre à pied d’une carafe de vin
D’un vase et d’un reflet
D’une cruche de lait
D’une lettre oubliée
D’une enveloppe timbrée
D’un chandelier
Il suffit
D’une pomme croquée
D’oranges écrasées
D’un broc brisé
D’un verre ébréché d’une carafe cassée
D’un vase fêlé
D’une cruche renversée
D’une lettre brûlée
D’une enveloppe oubliée
D’une chandelle consumée
p.68
HOMMAGE A JEAN PICART LE DOUX
CHANT PREMIER
extrait 3
Mais la dispersion des gerbes de matière dans l’espace
n’indique rien Le vide apparent mesure notre ignorance
car l’air uniquement l’air peut se souvenir des fusions fan-
tastiques présidant aux étoiles En lui se retrouvent les chocs
monstrueux qui peuplèrent de leur vacarme éblouissant le
tableau des constellations inconnues et même à peine ima-
ginables
Il faut bien inventer à partir de soi de laborieuses mécaniques
Il faut bien expliquer l’inexplicable Et cependant l’air existe l’air
demeure
Je chante sa manière essentielle et subtile gardienne des
transmutations
Et je désigne sa figuration dans un carré symbolique au vert
mêlé de bleu comme pour ce printemps surgi des neiges
Et de l’éternité
p.8
HOMMAGE A JEAN PICART LE DOUX
CHANT PREMIER
extrait 1
Au-delà de l’air l’homme s’interroge et renverse son miroir
pour chercher dieu dans les étoiles Il faut d’autres étapes
d’autres millénaires pour imaginer le vide Ensuite pour le
nier pour le combler de traces de matière
Ainsi le monde survint dans une éclatante genèse que
les conteurs d’Anatolie savent seuls éclairer de leur geste
accompagnée de la musique jaillie en source aux lèvres des
cithares
Les grandes légendes taillées par l’histoire ne sauraient
pourtant plonger dans la nuit ensevelie du véritable temps
…
p.8
HOMMAGE A JEAN PICART LE DOUX
CHANT PREMIER
extrait 2
Moi je sais que par-dessus les livres sacrés par-dessus les
sépultures ouvertes je sais que l’air se souvient du peuple-
ment de cet espace qu’aucune image ne détermine aucune
règle n’emprisonne dans son système Un soir de mars entre
dans un laboratoire obscur le secret patient passionnant mais
partiel des chercheurs d’étoiles Ils se penchent depuis tant de
nuits sur leurs lentilles pour saisir l’instant improbable d’une
mort ou d’une naissance sidérale
…
p.8
HOMMAGE À JOAN MIRÓ
II MES COMPAGNONS LES OBJETS
NATURE MORTE III
extrait 2
Il suffit
D’un mot écrit sur une page
D’une note sous l’archet
D’un trait sur le marbre tracé
D’une graine semée
D’une feuille ramassée
Il suffit
d’un garrot
D’un couperet
D’une épée traversant le côté
D’une épine au front plantée
D’un clou dans la chair enfoncé
D’une épingle fixée sur une toile
Il suffit
D’une lueur d’acier
En plein cœur d’une étoile
p.69