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Citation de Dorian_Brumerive


Nous fîmes l'ascension du petit escalier et pénétrâmes dans un salon en désordre au milieu duquel une large table état recouverte par un vaste tapis vert. Le jeune chancelier, avec le geste précautionneux d'un infirmier qui dévoile un mort, souleva le tapis et nous montra une roulette avec deux tableaux à doubles zéros. Il expliqua :
- Voici ce qui fut la cause de sa perte. M. de la Palma, qui adorait le jeu, s'entendit un jour avec un riche Chinois qui cherchait à exploiter une roulette. Il n'y avait rien à faire sur la concession française, où l'on ne badine pas avec ces histoires-là. La maison du consulat jouissant de l'extra-territorialité sur la concession internationale, avait paru des plus propices au Chinois, à condition que le tripot fut exploité discrètement. Mon patron, d'abord, refusa ses offres. Puis, touché par le noble geste du Chinois qui lui proposa de verser chaque année cent dollars à la caisse des bonnes oeuvres de Coronada, M. de la Palma consentit.
- Il n'était pas intéressé aux bénéfices ?
- Si, un peu... Il touchait cent dollars par séance et trente pour cent sur la cagnotte.
- C'était beaucoup.
- Le Chinois l'avait menacé, s'il refusait sa part, de ne plus donner chaque année les cent dollars à la caisse des oeuvres.
- Alors M. de la Palma se sacrifia ?
- Une fois de plus... Tout fonctionna très bien pendant quelques mois. Malheureusement, il y eût un soir un gros scandale. Un ingénieur canadien qui s'était assis à côté du chef de partie, tout près de la roulette, voulut, après avoir perdu mille cinq cent dollars, se lever pour aller boire un whisky... Or, Messieurs, il ne put pas se lever. Me comprenez-vous bien ?
- Il était mort d'une embolie ?
- Non, Messieurs ! Je dis : il ne put pas se lever... Il fit des efforts inouis... Sans succès... Vous allez saisir tout de suite. Cet ingénieur portait par malheur des souliers ferrés. Or, son pied gauche était entré en contact avec un gros aimant dissimulé sous la roulette et destiné à attirer la bille dans certaines cases, au gré du chef de partie... Le Canadien, ingénieur électricien de son métier, eut vite compris la cause de sa soudaine paralysie. Il dégagea son pied au prix d'un effort surhumain - il y laissa d'ailleurs sa semelle - et révéla aux pontes le procédé du Chinois. Ce fut un combat digne de la plume de Dante. L'hercule canadien, fou de colère, envoya dans la figure du Chinois un direct qui lui coûta trois dents : l'une tomba dans la roulette, je préciserai même dans le numéro 16, noir et manque; la seconde dans le whisky-soda de M. de la Palma et la troisième dans le décolleté d'une exilée russe, taxi-girl à ses heures, au Del Monte... Les deux croupiers furent assommés par d'autres joueurs musclés, et mon patron ne dut son salut qu'à une fuite précipitée par le vasistas de la salle de bains.
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