Le pire, c'est la faim.
Avoir faim, attendre la coulée chaude.
Le pire, c'est le froid,
Le froid quand on a faim,
Le froid des affamés qui tendent l'écuelle
Attendant tout du temps,
N'attendant rien d'eux mêmes.
Le pire c'est les coups,
Les coups dans les reins.
C'est aux reins que les genoux s'articulent.
Douleur des coups, des corps sans genoux,
Douleur aux reins après deux heures d'appel,
Coups au réveil.
Le pire est savoir
Qu'on ne sait pas
Quand ça finira,
Au matin de la libération,
Ou chaque soir du desespoir.
Le pire, c'est le voisin qui tend sa face,
Et sous nos yeux s'entrechoquent ses dents.
Le pire, c'est qu'on marche à reculons
Dans des souliers
Pour géants.
Et que la nature nous coupe l'appetit.
Et nous faisons des pas petits petits
Comme des enfants
Rêvant d'espaces
Plus grands.
Le pire, c'est le pyjama rayé
Pour affronter la nuit polaire
Et tout ce que étoffe légère
Peut garder
Des seaux d'eau printanière.
Le pire, c'est d'être ici.
Le pire, c'est d'y penser.
Le pire, c'est d'écouter
Le temps qui ne coule pas.