Les mots, écrivait Gorgias, sont comme un médicament. Employés à propos, ils sont utiles, ils aident à construire un rapport profitable avec les choses et avec autrui. Mais employés à tort, ils empoisonnent.
Certains textes sont à relire de temps en temps, pour la capacité qu’ils ont d’éclairer les problèmes auxquels les hommes ont sempiternellement affaire. C’est justement à cela que servent les classiques.
Avec le passé disparaît aussi l’avenir, pendant qu’autour de nous se multiplient les possibilités.
Désormais nous pouvons tout faire : nous nous sentons donc en devoir de tout faire. Ce qui est évidemment impossible, d’où la frustration croissante née de toutes les occasions que nous croyons avoir perdues, cependant que le temps passe, toujours plus inexorablement.
Nous ne nous en rendons pas compte, mais nous déléguons notre bonheur, nous laissons autrui décider de ce qui vaut la peine ou non. Obsédés par la pression sociale, par les attentes des autres, par les lieux communs, nous perdons le contrôle sur nous-mêmes, sans cesse à la recherche de quelque chose et toujours insatisfaits.
Apprendre à penser, à mettre de l’ordre dans le désordre qui nous entoure : il n’y a pas mieux pour se préparer à faire face aux défis d’un avenir qui arrive toujours plus tôt que prévu. C’est à cela que sert, au fond, la philosophie, et ce n’est pas rien.