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Citation de Charybde2


Théorie du gamer traite moins des jeux que des gamers, de la manière dont ils perçoivent le monde à travers les jeux et en viennent à se percevoir comme acteurs du monde. Il traite, en somme, de la subjectivité des gamers. Peut-être sommes-nous tous désormais des gamers, au moins une partie du temps, qu’on le sache ou non, qu’on le veuille ou non. C’est sans doute l’une des formes de subjectivité par défaut de notre époque : être un travailleur, ou un hacker, ou un malin (hustler), ou un gamer. La dernière figure se distingue par une perception du monde comme ensemble de systèmes interactifs où l’on gère des ressource, recherche des avantages, fait concurrence aux autres, quantifie les résultats, gagne ou perd, et recommence en cas d’échec.
Il existe différents types de subjectivité de gamer. Certains prennent plaisir à battre les autres ; certains préfèrent le beau jeu. Certains trichent ; certains gâchent le jeu. Certains préfèrent explorer les ensembles de règles et découvrir de nouvelles manières de jouer. On les appelle parfois des « triflers ». Gagner ne les intéresse guère. Ce qui les passionne, c’est le jeu qui se trouve dans les règles mêmes. Le joueur théoricien est une sorte de trifler, il essaie de comprendre de l’intérieur la logique des systèmes, de développer une approche formaliste du jeu comme méthode.
La forme la plus affirmative et agressive de subjectivité de gamer s’est révélée bien différente. On l’a connue sous le hashtag #gamergate. Il s’agit d’une culture régressive et misogyne lancée par de jeunes hommes estimant que les gamers femmes et les conceptrices de jeux bénéficiaient d’avantages indus, et qu’il fallait par conséquent les dénoncer, les détruire, les agresser, les harceler – anonymement, bien entendu. C’est un dévoiement pervers d’une des logiques de la subjectivité de gamer : l’aspiration à l’équité dans le monde du jeu, que le monde semblable à un jeu ne respecte pas.
Bien que la vie quotidienne ressemble de plus en plus à un jeu, les jeux de la vie quotidienne ne sont pas justes, obéissent à des règles obscures et semblent biaisés d’avance. La culture du gamergate avait raison sur ce point mais elle se trompait de cible. La plupart des femmes ne savent que trop bien que la culture des jeux et celle du ludespace quotidien leur sont hostiles. Comme beaucoup de travailleurs, qui ont vu pendant la crise financière de 2008 que la finance est un ludespace mondial où c’est nous qui devrons, au bout du compte, essuyer les pertes, les gros acteurs se voyant pardonner leurs forfaits et restituer leurs richesses malgré les dégâts causés par leurs jeux.
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