Il fut un temps où notre société célébrait ses héros. À présent, on n’entend pratiquement plus qu’une longue litanie de plaintes, émanant de tous les lieux et milieux. Être victime est devenu un signe d’identité personnelle, mais également d’appartenance communautaire, car désormais il suffit d’être descendant de victimes pour que l’autovictimisation opère et paraisse légitime. Rien de tel que la figure de la victime pour essentialiser un groupe. Cette figure est passée de l’accident à la substance, de l’événement à l’essence, de la relation à l’identité : alors que jadis on était la victime de quelque chose ou de quelqu’un, aujourd’hui, on est victime dans l’absolu.