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Citation de Charybde2


D’où vient que les Voyages extraordinaires le sont à un nouveau titre et que les mondes inconnus ne sont pas seulement les forêts primitives de l’Afrique, le centre désertique de l’Australie, l’espace blanc des pôles, ni ces terres que le savoir positif n’a pas encore investi de sa maîtrise. L’inconnu de l’Odyssée ne réside pas seulement sur les rivages vierges ou dans les habiletés à quoi la ruse intelligente n’a pas encore accès. Il est aussi dans les enfers, et vers le centre de la Terre, il est aussi dans l’apparat mythologique du texte, dont nous sommes assez faibles pour croire qu’il ne s’agit que d’apparat. Nos distinctions et nos compositions sont les signes de nos limites. La parole sacrée, mythique ou religieuse, est dite en même temps et dans le même souffle que celle du savoir et du déplacement. Le voyage est pyschagogique. Celui qui parvient, un beau soir, au pied des Carpathes, reste un errant ou un explorateur, il est un savant et un ingénieur, il découvre dans ce village utopique les merveilles de l’électricité, les techniques du téléphone, et tout cela demeure vrai, l’espace et le savoir, en même temps qu’est raconté, nouvelle manière, le cycle d’Orphée. Celui qui découvre, au sud de l’Afrique, le désert formidable du Kalahari est un savant, un astronome, il est le géomètre de la géodésie, et tout cela demeure vrai, l’espace et le savoir, en même temps qu’est raconté, nouvelle manière, le cycle de l’Exode. Autant d’exemples que de cycles locaux. De sorte que cette œuvre immense de remplissement minutieux de l’étendue terrestre, de comptage exhaustif de l’histoire et de traversées complètes du savoir, pur et appliqué, devient à nouveau un cycle de cycles, à condition d’utiliser ce mot comme Dumézil, ou d’autres : le cycle de l’ambroisie. L’intérêt passionné pris aux Voyages ne tient pas seulement aux enthousiasmes saint-simoniens pour la science et le progrès technique, il tient aussi aux adhérences culturelles de l’imagination au travail. Elle n’est pas libre, elle est soumise à des lois archaïques, elle reproduit des figures oubliées parmi un monde qu’on croit neuf. Il est clair, non, il est obscur mais il deviendra clair, que Verne est la résurgence, volens nolens, je ne le sais, je ne veux pas chercher à le savoir, d’une coulée fantastique de mythes. En cela, il écrit encore l’Odyssée. Il n’est pas spur que l’essentiel soit de redessiner les grands cycles réactivés ici. Une fois quelques-uns ressuscités de l’ombre où la naïveté les cache, tout un chacun décrypte rapidement tous les autres, il n’y faut pas être grand clerc. Le but est autre, et double. Voir d’abord comment s’établit le voisinage vibrant et difficile entre cet espace immédiat parcouru en tous sens, le lieu du savoir traversé sans qu’il soit rien omis, et cette autre cartographie d’une terre inconnue, trop connue cependant pour ne jamais être laissée. Estimer ensuite si cette assignation est universelle, j’entends par là si elle peut être transportée ailleurs que dans l’œuvre de qui est réputé naïf. Et la réponse est oui, et je dirai pourquoi. Ici et ailleurs.
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